Parfois présenté comme un potentiel pape, le très populaire évêque d'Ajaccio, Mgr François-Xavier Bustillo, détonne par son exposition médiatique, d'Instagram à la une de Paris-Match, avant la visite historique dimanche en Corse de François, le souverain pontife.
"Je suis l'évêque de tous", assure à l'AFP ce Franco-Espagnol de 56 ans, fils de militaire, né le 23 novembre 1968 à Pampelune, au Pays basque espagnol.
Nommé évêque de Corse en 2021, il a été fait cardinal par le pape François en septembre 2023.
Avant cela, ce franciscain à la taille de basketteur et l'accent chantant étudie la philosophie et la théologie à Padoue (Italie) puis Toulouse (sud-ouest), avant d'officier à Narbonne (sud) pendant 24 ans.
"Son accession au cardinalat a été une surprise, un jeune évêque avec deux ans d'épiscopat. Ça prouve sa proximité avec le pape", glisse à l'AFP un évêque.
"Son profil de pasteur, proche des gens" est "dans le style" du pape, mais son "image peut être ternie par un côté showman", nuance sous couvert d'anonymat une source au sein de la Curie romaine, le "gouvernement central" du Saint-Siège.
- "Bustillomania" -
Ses multiples apparitions médiatiques autour du projet de voyage papal en Corse et le fait d'avoir dévoilé le site internet dédié avant même la confirmation officielle du Saint-Siège, bien loin du protocole habituel, agacent certains à Rome.
"Beaucoup disent: +il s’est grillé, il est trop sûr de lui.
Au Vatican, on n’aime pas ce genre d'attitude+", souligne une autre source vaticane.
Assurant ne pas avoir signé pour "entrer dans le Titanic et couler", François-Xavier Bustillo, fan de tennis et de nage en mer, estime que l'église catholique doit "faire rêver, pas pleurer".
Et depuis son arrivée en Corse, il s'y emploie, suscitant une véritable "Bustillomania", comme l'ont démontré les 800 insulaires venus le soutenir au Vatican pour son passage au rang de cardinal.
Puis en novembre 2023, il fait la couverture de Paris-Match. Le magazine, propriété du milliardaire ultra-conservateur Vincent Bolloré, salue son "irrésistible ascension au sein de l'Eglise catholique", dans un article rédigé par l'un des coauteurs de son livre, "Le cœur ne se divise pas". Préfacé par le pape François, l'ouvrage est publié chez Fayard, également propriété de Vincent Bolloré.
Au même moment, dans "Quelle Epoque!", talk-show hebdomadaire sur France 2, Léa Salamé le présente comme "peut-être le prochain pape". A ses côtés sur le plateau, l'ex-star du porno Clara Morgane s'enthousiasme d'avoir participé à "Bienvenue au monastère", téléréalité tournée au couvent de Corbara (Haute-Corse) et diffusée sur la chaîne "bolloréenne" C8.
"Il est original, c'est agréable cette modernité", confie une élue corse. De fait, le Franco-Espagnol est aussi très politique, dans une île dirigée par les autonomistes et en pleine négociation avec Paris.
"La Corse doit retrouver son autonomie, sa liberté et sa capacité à gérer sa vie politique, économique, culturelle et même sanitaire", déclarait-il ainsi en janvier au média en ligne Corse Net Infos.
- Légion d'honneur -
A Ajaccio, en septembre 2023, Emmanuel Macron le rencontre, hors programme officiel, avant de proposer à l'Assemblée de Corse "une autonomie dans la République" pour l'île méditerranéenne de 350.000 habitants.
Six mois plus tard, le 9 mars 2024, Mossa Palatina, parti nationaliste d'extrême droite aux antipodes des positions du pape en faveur des migrants, annonce sa création en invitant à une messe, avant un premier meeting. L'homélie est prononcée par le bras droit du cardinal, à la cathédrale d'Ajaccio.
"Dans ce parti, il y a beaucoup de catholiques", justifie le cardinal, tout en rejetant l'idée d'une messe dédiée.
Fin août, celui que le très chic tournoi de tennis de Monte-Carlo présente comme "un fidèle" se fait remettre la Légion d'honneur par Mathieu Pacaud, restaurateur étoilé qui a notamment officié dans l'un des restaurants du luxueux domaine hôtelier de Murtoli (Corse-du-Sud), selon leurs comptes Instagram respectifs. "On a un lien amical", précise le cardinal à l'AFP.
Parmi la centaine de convives présents à l'évêché, Catherine Vautrin, alors ministre du Travail et pas encore "Madame Corse" du gouvernement démissionnaire, mais aussi Paul Canarelli, propriétaire multicondamné du domaine de Murtoli, notamment pour recel de malfaiteur au procès de la cavale d'une figure du banditisme corse.
Selon un invité, du personnel de Murtoli servait à l'évêché pour l'occasion, ce que conteste le cardinal: "Mathieu Pacaud m'a dit: +je m'occupe de tout+", explique-t-il, concédant que pour cette réception "beaucoup de personnes de Corse ont donné de la charcuterie et du vin".
Par Maureen COFFLARD avec Clément MELKI à Rome / Ajaccio (AFP) / © 2024 AFP