Comment lutter contre la fraude sociale activement ? C'est devenu un vrai marronnier, rappelle Agnes Verdier-Molinié. Les estimations sont énormes avec des chiffres de l'ordre de 20 milliards d'euros par an en comptant les prestations sociales - donc les aides - et puis les fraudes aux cotisations sociales. Les candidats à la présidentielle se sont peu emparés du sujet ou évoque des chiffres sans véritables solutions.
"Certains sont prêts à continuer à plus ou moins fermer les yeux"
"Il est temps qu'on en parle un peu car depuis des années, on ne parlait en France surtout que de fraude fiscale. La fraude sociale était presque acceptée un peu comme un élément de notre modèle sociale".
"Mais, ces derniers temps, les mentalités changent, nuance Agnès Verdié-Molinié. Les chiffres sortent, on en parle, il y a eu des rapports parlementaires et beaucoup de candidats à la présidence de la République imaginent récupérer énormément de recettes publiques pour se financer rien qu'en faisant la chasse aux fraudes sociales".
"Marine Le Pen annonce 15 milliards d'euros de recettes supplémentaires par an en luttant contre la fraude fiscale et sociale. Valérie Pécresse propose à peu près la même chose. Éric Zemmour parle de 5 milliards contre la fraude sociale et 10 milliards sur la fraude fiscale. Mais de l'autre côté, à gauche, Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo ne parlent pas du tout de fraude sociale. Ils parlent de fraude fiscale mais pas de fraude sociale".
"On voit bien que certains sont prêts à continuer à plus ou moins fermer les yeux sur cette fraude sociale alors que le RSA est énormément fraudé. On estime cette fraude à 1 milliard d'euros par an avec 10% des versements suspects. Il y a aussi des cartes vitales sur numéraires, beaucoup d'emplois ne sont pas déclarés. Et, on peut estimer qu'il y a de l'économie grise en France pour à peu près l'équivalent de 11% de notre richesse nationale".
Que proposent les candidats pour lutter contre la fraude sociale ?
"C'est beaucoup plus flou, estime Agnès Verdié-Molinié. On voit bien ce qu'ils veulent récupérer mais on ne voit pas trop bien comment ils vont le faire. Parce que, contrairement à ce qu'il se fait dans d'autres pays, aucun candidat ne propose de rendre imposable les aides sociales versées en complément de revenu. Ils ne proposent pas non plus de plafonner ces aides ou de fusionner la carte vitale avec la carte d'identité et les rendre biométriques comme cela se passe en Belgique. Là-bas, ça fonctionne très bien, il n'y a pas de problème de contrôle d'identité de ceux qui sont bénéficiaires".
"On comprend qu'il y ait des objectifs hyper ambitieux mais il n'y a pas tellement de chemin pour y aller, d'explication de texte pour savoir comment ils vont récupérer tous ces milliards".
Quels sont les problèmes ?
"Le problème est d'imaginer que l'on va récupérer énormément d'argent avec 10 ou 15 milliards sur la fraude fiscale et sociale et que cela permette d'annoncer en face des dépenses équivalentes alors qu'en fait, en réalité, ce n'est pas cohérent par rapport à ce que proposent les candidats", explique Agnès Verdié-Molinié.
"Ces montants-là ne peuvent être atteints que si on fait une énorme réform en profondeur de notre modèle sociale comment le font les pays du nord de l'Europe, en supprimant progressivement les minima sociaux ou les indemnités sociales quand, ceux qui en bénéficient, refusent de retourner à l'emploi déclaré. Un, deux ou trois refus d'emplois devraient faire supprimer des suppressions d'aides. Mais ça, ça n'est pas non plus proposer par les candidats.
"Donc on peut craindre une chose : s'il n'y a pas de nouvelles mesures qui sont dévoilées dans les prochaines semaines, tous ces milliards annoncés de récupération sur la fraude seront un peu illusoires".
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