Frédéric Dabi : "la fracture, c’est pas seulement la fracture entre les jeunes et les moins jeunes"
Frédéric Dabi explique qu’il est "sondeur depuis plus de 25 ans" mais qu’il n’est "pas sondophiles". Pour lui, "parfois les sondages sont imprécis, parfois ils ne mesurent pas une réalité". "Même si c’est, selon moi, le meilleur moyen, plus qu’un réseau social, plus que des conversations au bistro de saisir, ce que pensent les Français", juge-t-il. "Ce livre a la chance de bénéficier de cette profondeur historique, ces enquêtes sur la nouvelle vague qui permettent de comparer les jeunesses". Pour le directeur général opinion de l’IFOP, "la fracture, c’est pas seulement la fracture entre les jeunes et les moins jeunes, c’est une fracture entre les jeunes d’aujourd’hui et une jeunesse passée. Celle des années 80, la génération Mitterrand, celle des années 90, celle de la fin de l’histoire parce que le mur de Berlin s’était écroulé".
"84% de jeunes heureux, c'est beaucoup", explique Frédéric Dabi au micro d’André Bercoff, "mais comme toute question de sondage un peu fine, on ne pose jamais des questions de manière binaire, oui ou non, on les pose en quatre", ajoute-t-il. Mais, "sur l’item le plus fort, c’est-à-dire ‘je suis tout à fait heureux’, on a perdu 27 points par rapport à 1999", explique Frédéric Dabi. "C’était une période spéciale. 1999, c’était la nouvelle vague, la croissance économique, il y avait un système politique qui plaisait et qui était déjà en même temps un peu de gauche, avec Lionel Jospin et un peu de droite avec Jacques Chirac, c’était aussi Internet qui arrivait et des jeunes qui disaient que le monde était à portée de main, il y avait aussi Erasmus", admet l’auteur de La Fracture.
Aujourd'hui, "Il y a un doute vis-à-vis des structures collectives"
"Ce n’est pas misérabiliste", explique Frédéric Dabi à propos des 84% de jeunes heureux. Mais "ils sont 30 points de plus qu’il y a vingt ans à dire qu’ils vivent dans un époque malchanceuse", explique-t-il. "Ils sont 25 points de plus à dire 'je ne suis pas heureux', parce qu'ils ont encaissé des chocs", affirme le directeur général opinion de l’IFOP, "le choc terroriste, la victimologie des attentats du 13 novembre sur les terrasses, ce sont des 18-40 ans, ce sont des jeunes", explique Frédéric Dabi. Pour lui, il y a également "des chocs climatiques, le fait qu’ils se disent que c’est un enjeux pour lequel les politiques ne font rien". "Ils voient l’urgence et cet enjeu qui est en déshérence et c’est vrai que le Covid a été, si je puis dire, la cerise sur le gâteau", explique l’auteur de La Fracture.
Pour Frédéric Dabi, cela "crée une véritable conscience générationnelle, ils sont heureux mais ils ont senti l’angoisse de l’avenir". Aujourd’hui, "il y a un doute, vis-à-vis de toutes structures collectives", explique-t-il. Pour l’auteur de La Fracture, "le Covid n’a rien créé mais n’a fait qu’amplifier les catalyseurs de tendances". Par exemple, "l’État qui ne nous a pas assez protégés pendant le Covid, les partis politiques dans l’incapacité à résoudre les sujets qui nous touchent, la crise climatique, etc.", explique Frédéric Dabi. Pour lui, "cette défiance vis-à-vis des structures collectives se voit" vraiment. "Quand on a posé la question de 1957 sur les acteurs en qui on a confiance pour changer les choses, les politiques s’effondrent, les journalistes sont plutôt bas mais ils restent stables, les scientifiques restent à un niveau élevé", explique le directeur général opinion de l’IFOP. "Alors bien sûr il y a eu ces scientifiques de plateau, cette cacophonie qui a pu crisper et rendre l’avenir incertain pour les Français et les jeunes", juge Frédéric Dabi, "mais chez les jeunes, il y a toujours un attrait pour la science", ajoute-t-il.
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