Gérald Kierzek : "L'administration m'a demandé de rentrer dans un fichier parallèle les malades Gilets Jaunes"
Le médecin urgentiste Gérald Kierzek est à l'origine de la tribune de l'Express publiée le 8 mai 2019 : Un devoir de désobéissance éthique : 100 médecins contre le fichage des Gilets Jaunes. "Ça a commencé le 13 avril 2019, explique-t-il au micro de Patrick Roger. J'étais de garde un samedi où l'administration m'a demandé de remplir un fichier parallèle au dossier médical, de repérer les malades Gilets Jaunes dans le cadre des manifestations et de les rentrer dans ce fichier. Quand on rentre à l'hôpital, la moindre des choses, c'est la confidentialité.
On voit bien que là, on est sur une violation du secret médical. J'ai juste fait un tweet, le 13 avril 2019, qui a pris beaucoup d'ampleur. Le lendemain, le directeur général [de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris NDLR], Martin Hirsch, dit qu'il n'y a pas de nom. Puis le mercredi d'après, le Canard Enchaîné se procure les fichiers et on retrouve les noms et les données médicales. Et là, on nous explique que c'est le stagiaire qui se serait trompé et qui aurait rentré les données. C'est du n'importe quoi et c'est même du mensonge. Clairement, l'administration nous demande de violer le secret médical, d'où cette tribune de devoir de désobéissance éthique pour nos malades. On n'a pas à révéler des informations d'identité sur les malades. On doit venir en toute confidentialité et en toute confiance à l'hôpital".
À la suite du tweet, il y a eu un appel général fortement suivi, avec beaucoup de personnalités. "Le point commun de toutes ces personnalités, c'est d'être médecin. On peut être pour ou contre les Gilets Jaunes, mais le serment d'Hippocrate reste le serment d'Hippocrate. Ça fait des millénaires qu'on protège nos patients avec ce secret professionnel qui est valable pour toute l'équipe quand vous arrivez aux urgences. La conséquence, c'est que des patients ne viendraient plus se faire soigner dans les hôpitaux. Il y a clairement violation du secret professionnel avec ce fichier SiVic."
"C'est un détournement du fichier SiVic qui a été déclaré à la CNIL pour les attentats et des situations sanitaires exceptionnelles"
Le fichier SiVic a été mis en place après les attentats. "Lors d'un attentat, il faut tracer les victimes, avec un intérêt sanitaire exceptionnel évident. On voit bien, ici, qu'on n'est pas dans une situation sanitaire débordée avec le nombre de victimes qu'on peut avoir dans les attentats. Donc c'est un détournement de ce fichier qui a été déclaré à la CNIL pour les attentats et des situations sanitaires exceptionnelles, mais pas du tout pour des manifestations.
On demande que la transparence soit faite dans l'intérêt des patients et que ça ne mette pas en difficulté les praticiens qui se sentent obligés de remplir ce fichier. Toute la question est de savoir ce que devient ce fichier SiVic. Dans le cadre des attentats, il est interministériel : Santé, Intérieur, Affaires étrangères. On voit bien que là, on est sur un fichage. C'est encore plus grave quand il y a des données médicales, mais le fait même de donner les noms, de repérer qu'on est venu tel jour à telle heure avec un Gilet Jaune et qu'on vous ait mis dans un fichier en parallèle du dossier médical, constituent des informations extrêmement préjudiciables.
On demande que ce fichier soit arrêté dans le cadre des violences urbaines, ça n'a absolument aucun intérêt sanitaire et on voit bien que le détournement politique, par exemple, c'est la porte ouverte à toutes les dérives."
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