Reportage de Mathilde Choin pour Sud Radio
"J'ai pensé aller dans d'autres pays pour pouvoir l'enlever là-bas, ça m'a fait peur"
Vomissements, nausées : il y a 4 ans, Jasmine ne comprend pas ce qui lui arrive, jusqu'à ce qu'elle fasse un test de grossesse. Positif, la jeune femme veut avorter, mais le délai pour une IVG instrumentale est presque dépassé : "ils m'ont pris le lendemain, sinon après ce n'était plus possible" raconte-t-elle. À seulement 15 ans, elle se pose un tas de questions : "ils m'ont fait paniquer ! J'ai même pensé aller dans d'autres pays pour pouvoir l'enlever là-bas, ça m'a fait peur" confie-t-elle.
Jusqu'à 4.000 femmes "hors délai" partiraient chaque année à l'étranger pour avorter, principalement en Espagne où l'IVG est déjà permise jusqu'à 14 semaines. Pour Ghada Hatem, gynécologue obstétricienne, responsable de la Maison des Femmes de Saint Denis, ces deux semaines supplémentaires permettraient notamment de venir en aide aux femmes précaires ou à celles qui sont victimes de violences. "À l'annonce de la grossesse, elles ont vu apparaître des violences physiques qui n'existaient pas avant explique-t-elle. Elles sont dans des familles où on ne peut pas parler, sortir comme on veut. Pour toutes ces raisons, il est trop tard ; est-ce qu'on va leur demander de garder cet enfant juste parce qu'il est trop tard ?"
"Allonger le délai parce qu'on n'a pas su accueillir les femmes à temps, ce n'est pas dans leur intérêt"
"Certaines femmes subissent une grossesse qu'elles ne veulent pas, et c'est une violence extrême" déplore Sarah Durocher, coprésidente du Planning familial. "On sait qu'il y a des femmes qui sont prêtes à se mettre en danger. Nous on a envie de permettre aux femmes d'accéder à ce choix-là et à ce droit-là, même au-delà de 14 semaines. Il y a des femmes qui vont à l'étranger mais il y en a beaucoup qui n'y vont pas, parce qu'elles n'ont pas les moyens d'y aller" rappelle-t-elle.
Un allongement du délai qui divise l'hémicycle mais aussi la communauté médicale. Israël Nisand, le président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, y est opposé. Il plaide pour que les hôpitaux aient plus de moyens pour recevoir en urgence les femmes en demande d'IVG : "l'hôpital va mal, il va mal pour les accouchements, pour les césariennes, pour les cancers, ça va mal aussi pour les IVG" assure-t-il. Selon lui, "il faut donner des moyens aux hôpitaux pour l'IVG en les fléchant, et en vérifiant que les femmes qui demandent une IVG sont reçues immédiatement et pas des semaines plus tard. Allonger le délai parce qu'on n'a pas su accueillir les femmes à temps, ce n'est pas dans leur intérêt" estime-t-il.
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