Si la crise sanitaire a relégué au second plan le cinquantenaire de la mort du général de Gaulle, Jacques Julliard lui a consacré un livre sur sa dimension littéraire. "Plus nous nous éloignons de la mort de De Gaulle, plus sa dimension d'écrivain devient importante, y compris par sa dimension d'homme d'Etat", observe l'auteur pour qui "l'écriture est une manière pour lui de nous parler et de faire de la politique".
"Occupez-vous de vos affaires, je m'occupe des affaires de la France"
Si le général De Gaulle adorait les écrivains, "il détestait les intellectuels", souligne l'éditorialiste. Si la frontière est mince entre les deux, l'ancien chef de l'Etat décrit la première catégorie comme "quelqu'un qui s'exprime lui-même et apporte son œuvre en témoignage, en offrande". Au contraire, les intellectuels "brouillent les pistes", et est fait pour penser mais a envie d'agir. "Mais s'il a envie d'agir, qu'il fasse de la politique dirait de Gaulle", rapporte Jacques Julliard. "Occupez-vous de vos affaires, je m'occupe des affaires de la France", aimait-il dire.
Dans la France du XXe siècle, difficile de retrouver les traces de nouveaux Bernanos, Péguy, Sartres ou Mauriac. "Je me suis longtemps méfié de cette réflexion, je me suis dit c'est parce que je vieillis, que je ne sais pas apercevoir les grandes lueurs du siècle", admet Jacques Julliard qui vient finalement à penser que "ce n'est pas vrai". De leur vivant, ces quatre auteurs étaient reconnus comme tel. "Hors, aujourd'hui, je ferai exception de Houellebecq, notre meilleur romancier ou sociologue", explique l'historien.
"Une Nation peut-elle exister sans quelque chose au-dessus d'elle ?"
Et si De Gaulle s'intéresse tellement à ces écrivains, c'est que, même s'il est parfaitement laïc, "il pensait qu'au-delà de la coupure que représente la laïcité, il y a un dialogue permanent entre la politique et la nation française et les valeurs spirituelles, chrétiennes", raconte l'essayiste. Une manière pour le chef de l'Etat de "privilégier les hommes", comme le fait de nommer "ministre éternel", André Malraux, bien qu'agnostique.
Aujourd'hui, "la France est en attente, sans savoir de quoi", regrette Jacques Julliard pour qui "il est certain qu'elle ne trouve plus dans sa littérature, ni dans sa politique quelque chose à suivre ou à respecter de transcendant". Il en vient à se poser la question de savoir si "une Nation peut exister sans quelque chose au-dessus d'elle qui soit sacré", en notant que même dans les pays athées, comme les Etats communistes, "ils ont du sacré (prolétariat, pensée de Mao...)". "Dans tous les cas, les hommes ont besoin pour s'unir d'une forme de sacré", note Jacques Julliard qui déplore que "c'est ce qui manque le plus à la société française contemporaine".
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