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Jacques Toubon : "Trop simple de dire qu’il y a des bons et des mauvais migrants"

Par Benjamin Jeanjean

Défenseur des droits, Jacques Toubon était l’invité du Grand Matin Sud Radio ce mercredi. L’occasion pour lui d’évoquer notamment l’accueil des migrants en France et la problématique du harcèlement sexuel.

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L’afflux de migrants issus notamment d’Afrique et du Moyen-Orient depuis plusieurs années fait certes moins parler qu’à ses débuts, mais demeure une problématique quotidienne pour de nombreux pays d’Europe, et notamment la France. Ce dimanche, Emmanuel Macron avait ainsi évoqué le sujet en faisant part de son souhait d’expulser tous les sans-papiers condamnés. Une mesure à laquelle a réagi le défenseur des droits, Jacques Toubon, invité du Grand Matin Sud Radio ce mercredi.

"Sur cette mesure, il y a une difficulté juridique puisque la «double peine» n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg. Mais la vraie question, c’est de savoir quelle politique migratoire mène-t-on. Sur ce point, j’ai fait des rapports très précis depuis trois ans sur la situation à Calais ou sur les trottoirs parisiens. La France n’exerce pas pleinement ses responsabilités dans l’accueil des migrants. Elle a des obligations légales par les conventions internationales et par notre propre Constitution, et l’accueil n’est pas fait comme il le devrait. D’ailleurs, le Conseil d’État m’a donné raison dans une décisions du 31 juillet dernier en disant qu’à Calais les personnes étaient traitées de manière inhumaine et dégradante", rappelle-t-il.

"L’UE doit reconsidérer sa politique migratoire"

L’ancien ministre de la Justice (1995-1997) a également pointé du doigt la polarisation du débat public sur l’immigration. "Il y a ceux qui disent qu’il faut tout de suite distinguer entre ceux qui peuvent avoir l’asile et les migrants économiques qu’il faudra refouler d’une manière ou d’une autre. Moi, je dis que c’est beaucoup plus compliqué que ça. Il y a aujourd’hui des dizaines de millions de gens dans le monde qui migrent parce qu’ils y sont poussés par toute une série de situations. Ils viennent parce qu’il y a chez eux des inondations, des sécheresses, parce que les homosexuels sont réprimés, les femmes n’ont pas de droits, etc. Il est trop simple de dire qu’il y a des bons et des mauvais migrants", clame-t-il.

Celui qui est défenseur des droits de la République depuis 2014 plaide ainsi pour une nouvelle approche européenne de la question migratoire. "J’ai pris position contre l’application d’un accord que l’Union européenne a passé avec l’Afghanistan, qui consiste à renvoyer des Afghans dans leur pays. Peut-on vraiment dire aujourd’hui que l’Afghanistan est un pays dans lequel on peut renvoyer des gens en toute sécurité ? Évidemment que non. Je pense qu’il faut que l’ensemble de l’Union européenne reconsidère sa politique migratoire et qu’elle mène une politique conforme à l’héritage de l’Europe, une politique qui n’insulte pas l’avenir. Les migrations dans le monde, pour les décennies à venir, sont un phénomène absolument irréfutable, ce n’est pas une crise passagère", martèle-t-il.

"Il y a un problème de mentalité face au harcèlement sexuel"

L’ancien député de Paris (1981-1993) a également évoqué la question du harcèlement sexuel, sur laquelle le défenseur des droits peut tout à fait être saisi. "Nous avons un nombre d’affaires relativement restreint sur ce sujet, parce que le phénomène est certes important (en 2014, on a mesuré qu’il touchait 20% des femmes selon leurs dires), mais une proportion très faible des femmes réagissent, soit en saisissant la justice, soit en saisissant le défenseur des droits. (…) Il y a incontestablement un problème de formation sur l’accueil des femmes dans les commissariats de police. Deuxièmement, ce type d’infractions est difficile à démontrer, la preuve est difficile à faire. Troisièmement, il y a simplement un problème de mentalité. Nous sommes encore dans une culture où il est difficile de faire admettre par des hommes mais aussi par beaucoup de femmes qu’il s’agit d’une infraction, de harcèlement, de discrimination", assure-t-il.

Jacques Toubon a par ailleurs réagi à la proposition de nouvelle loi contre le harcèlement que préparerait le gouvernement. "Sur le harcèlement sexuel proprement dit, il y a la loi de 2012, qui avait fait tant de débats en 2012. Il y a aussi le statut de la fonction publique, et aussi les lois de 2008 sur les discriminations. L’appareil législatif est complet. Il faut maintenant l’appliquer. Ce qu’a proposé Marlène Schiappa, c’est de créer une autre infraction : le harcèlement de rue. Il y a beaucoup de discussions sur ce point, certaines personnes disent que ce sera difficile à mettre en œuvre. Deuxième point dans le projet du gouvernement : changer les règles en ce qui concerne le viol et le consentement des mineurs. C’est-à-dire de prévoir dans la loi qu’il existe une présomption de non-consentement pour les mineurs. C’est aussi une disposition difficile à écrire car il va falloir choisir un âge. Quel âge va-t-on choisir ?", se demande-t-il.

Réécoutez en podcast l’interview de Jacques Toubon dans le Grand Matin Sud Radio

 

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