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"Je vais mourir": à l'annonce du confinement de 2020, la détresse d'Amandine, morte affamée par sa mère

"Lola, je vais mourir": morte affamée par sa mère, en août 2020, la jeune Amandine était terrifiée à l'idée de retrouver sa famille, cinq mois plus tôt, pour le confinement, a témoigné jeudi une surveillante de son internat, devant les Assises de l'Hérault.

PASCAL GUYOT - AFP/Archives

"Lola, je vais mourir": morte affamée par sa mère, en août 2020, la jeune Amandine était terrifiée à l'idée de retrouver sa famille, cinq mois plus tôt, pour le confinement, a témoigné jeudi une surveillante de son internat, devant les Assises de l'Hérault.

Au quatrième jour du procès de la mère d'Amandine, Sandrine Pissarra, et de son beau-père, Jean-Michel Cros, une surveillante de l'internat du dernier collège fréquenté par l'adolescente, à Sigean (Aude), a raconté cette soirée du lundi 16 mars 2020, lorsque le président Emmanuel Macron annonce le confinement du pays dès le lendemain, face au Covid.

"Les garçons ont sauté de joie, c'était les vacances. Amandine, elle, s'est effondrée au sol. Elle m'a dit: +Lola, je vais mourir. Combien de temps ça va durer ? Je ne vais pas tenir+".

"Elle le répétait en boucle, elle pleurait, elle n'arrivait plus à respirer", rapporte la jeune femme de 28 ans.

Le lendemain, Amandine rentre donc chez elle. Mais elle ne reprend pas les cours en mai, à la levée d'un isolement contraint de deux mois. La plupart du temps enfermée dans un débarras, privée de nourriture, rouée de coups par sa mère, la collégienne mourra moins de trois mois plus tard.

Le 6 août 2020, jour de son décès d'un arrêt cardiaque et d'une septicémie, au domicile familial de Montblanc (Hérault), près de Béziers, la collégienne ne pèse plus que 28 kg pour 1,55 m.

Si sa mère a reconnu mardi soir, pour la première fois, les "actes de torture ou de barbarie" pour lesquels elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité, elle a eu beaucoup de mal jeudi à préciser ce qu'elle reconnaissait au juste.

"Des gifles, oui. Tirer les cheveux, ça m'est arrivé", concède-t-elle d'une voix fluette, bien plus prolixe quand il s'agit d'évoquer les violences qu'elle aurait elle-même subies de la part de sa mère. "Aller dormir le ventre vide, je sais ce que c'est", insiste Sandrine Pissarra: Amandine, elle, "mangeait ce qu'elle voulait".

Dans son débarras, "elle crevait de faim !", la reprend le président de la cour, Eric Emmanuelidis. "Vous vouliez qu'elle meure ?".

"Non, tout ce que vous voulez, sauf ça", persiste la mère.

- "Camp de concentration privé" -

Interrogé jeudi également, son compagnon de l'époque risque lui jusqu'à 30 ans de réclusion pour avoir "privé de soins ou d'aliments" sa belle-fille et n'avoir rien fait pour la sauver.

"Avant le confinement, si on mangeait des frites, elle (Amandine, ndlr) avait des haricots verts ou du céleri", a expliqué Jean-Michel Cros.

Puis les privations et punitions s'aggravent, sans que cet homme, unanimement décrit comme bienveillant par son entourage, mais soumis à sa compagne, n'ose y mettre fin. "Oui, c'est devenu banal. A la longue, ça s'est mis en place, on s'y habitue", tente-t-il d'expliquer, à M. Emmanuelidis, qui évoque le concept de "banalité du mal" développé par la philosophe Hannah Arendt à propos du régime nazi.

Comme en écho aux images des camps de concentration, le magistrat fait alors projeter des captures d'écran des caméras qui surveillaient Amandine dans le débarras.

Sur la première, l'adolescente apparaît nue, déjà très amaigrie, à genoux sur un rouleau de lino, les mains dans le dos. Sur la seconde, prise de face, elle est toujours nue et encore plus maigre. Marionnette désarticulée, elle s'appuie sur un meuble, les jambes croisées dans une position peu naturelle.

Jean-Michel Cros assure qu'il n'avait jamais vu ces images: "Comment on peut faire ça à un enfant, c'est dégueulasse, inhumain", lâche-t-il, répétant qu'il ne s'est rendu compte de rien, qu'il ne comprend pas pourquoi cela ne lui a pas sauté aux yeux, que ça aurait dû, qu'il était sous la coupe de sa compagne, qu'il s'était remis à boire, qu'il "donnerait sa vie" pour qu'Amandine revienne.

S'adressant en fin d'audience à Sandrine Pissarra, Me Laurent Epailly, au nom de "La Voix de l'enfant", l'une des quatre associations à s'être portées parties civiles, lui a asséné qu'elle avait créé son "petit camp de concentration privé", instaurant "le travail forcé jusqu'à épuisement".

"La faim, les sévices, le manque de soin, la déshumanisation, l'absence d'espoir et le manque d'amour: vous êtes monstrueusement coupable", a-t-il martelé.

Le réquisitoire du parquet et les plaidoiries de la défense auront lieu vendredi. La cour se retirera ensuite pour délibérer.

Par Philippe SIUBERSKI / Montpellier (AFP) / © 2025 AFP

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