C’est une étude qui a de quoi inquiéter pour les seniors français. Une enquête de l’association 60 millions de consommateurs révèle en effet que les plus de 65 ans en France consomment un très grand nombre de médicaments, avec des conséquences parfois dramatiques sur la santé. Président de la fédération des médecins de France, Jean-Paul Hamon était ce jeudi l’invité du Grand Matin Sud Radio pour en parler.
"Ce que décrit l’étude de 60 millions de consommateurs n’est pas nouveau. Je me souviens de Pierre Bérégovoy qui disait qu’on ne sait pas ce qui arrive dans le corps quand les patients prennent plus de trois molécules différentes. Nous sommes très attentifs à cette surconsommation, mais quand vous avez une population qui vieillit et que vous avez en face de vous une personne diabétique, hypertendue, coronarienne, qui présente de l’arthrose, vous regardez la liste des médicaments qu’elle prend et vous vous dites que vous aimeriez bien supprimer un ou deux… mais lequel ?", déplore-t-il.
"Nous avons nettement diminué les prescriptions d’anxiolytiques qui sont responsables de chutes, nous avons quasiment supprimé les médicaments contre Alzheimer qui ne servent pas à grand-chose même si on dépensait là-dessus 300 millions d’euros il y a quelques années (180 millions aujourd’hui). Nous faisons des progrès, mais franchement j’aimerais bien que 60 millions de consommateurs viennent voir mes ordonnances...", ajoute-t-il
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Face à cette situation, pourrait-on envisager d’incorporer plusieurs molécules dans un même médicament ? "Ça ne change rien sur le principe. Et Les laboratoires ont bien compris l’astuce. Quand deux molécules deviennent génériquables, ils associent deux molécules dans un seul médicament, obtiennent le statut de nouveau médicament, et c’est 40% plus cher que le total des deux molécules génériquables ! Il y a donc un intérêt économique et un laxisme de l’Agence du médicament et des gens qui fixent les prix des médicaments, mais les patients prennent déjà des molécules associées. Certains médicaments associent trois voire quatre molécules !", assure Jean-Paul Hamon.
L’un des principaux dangers se situe dans les interactions inter-moléculaires à l’intérieur du corps humain. Si les médecins se veulent prudents, certains cas sont parfois difficiles selon Jean-Paul Hamon. "Nous sommes très attentifs aux interactions médicamenteuses. Quand on voit qu’il y a plusieurs molécules, on a toujours des interrogations et on surveille très attentivement les constantes et la fonction rénale chez les personnes âgées qui, souvent, éliminent mal les médicaments. C’est pour ça que la médecine est considérée comme un art et non une science exacte : on ne bricole pas mais on adapte les doses à chaque personne. (…) Pour les patients très âgés, on est très prudents sur les doses, en donnant des doses inférieures pour tenir compte de la fonction rénale. Soyez certains que les médecins font très attention à ne pas sur-prescrire. Mais ce n’est pas simple !", indique-t-il.
Réécoutez en podcast l’interview de Jean-Paul Hamon dans le Grand Matin Sud Radio