single.php

La conservation du patrimoine de Mayotte mise à rude épreuve par le cyclone Chido

Instruments de musique et modèles de pirogues traditionnelles ont envahi les bureaux du Musée de Mayotte (MuMa) à Dzaoudzi, depuis que le cyclone Chido a frappé l'archipel français de l'océan Indien en décembre.

Marine GACHET - AFP

Instruments de musique et modèles de pirogues traditionnelles ont envahi les bureaux du Musée de Mayotte (MuMa) à Dzaoudzi, depuis que le cyclone Chido a frappé l'archipel français de l'océan Indien en décembre.

"On est obligé de cohabiter", sourit Achoura Boinaïdi, cheffe de service en charge de la conservation, en présentant une salle où les agents doivent se faufiler pour atteindre leur poste.

Cette solution "a permis de sauver l'ensemble de nos collections qui étaient sous l'eau", insiste le directeur du MuMa, Abdoul-Karim Ben Saïd.

Un crâne de cachalot au Musée de Mayotte, le 1er avril 2025 à Dzaoudzi

Un crâne de cachalot au Musée de Mayotte, le 1er avril 2025 à Dzaoudzi

Marine GACHET - AFP

Le 14 décembre 2024, Chido a arraché le toit de la caserne coloniale attenante qui abritait les collections du musée à Dzaoudzi, en Petite-Terre, la deuxième île de Mayotte.

Au rez-de-chaussée il ne reste qu'un minbar (chaire de mosquée) et le crâne d'un cachalot, seul vestige visible du squelette sauvé des eaux.

En levant la tête, la cage d'escalier endommagée laisse apparaître les bâches qui recouvrent désormais l'édifice.

La cage d'escalier endommagée du Musée de Mayotte, le 1er avril 2025 à Dzaoudzi

La cage d'escalier endommagée du Musée de Mayotte, le 1er avril 2025 à Dzaoudzi

Marine GACHET - AFP

Selon Michaël Tournadre, ingénieur des services culturels et du patrimoine à la Direction des affaires culturelles (DAC), les 18 monuments historiques du 101e département français ont été endommagés par des chutes d'arbres ou ont vu leur toiture arrachée.

Des bâches ont été posées, mais les infiltrations d'eau restent "très problématiques à long terme, surtout pour conserver les collections du musée", développe-t-il.

Des miniatures de pirogues traditionnelles mahoraises entreposées dans un bureau du Musée de Mayotte, le 1er avril 2025 à Dzaoudzi

Des miniatures de pirogues traditionnelles mahoraises entreposées dans un bureau du Musée de Mayotte, le 1er avril 2025 à Dzaoudzi

Marine GACHET - AFP

Au MuMa, 480 caisses de vestiges archéologiques ont été inondées pendant le cyclone qui a fait au moins 40 morts dans l'archipel, selon les autorités.

Avec le soutien du Bouclier bleu, une ONG spécialisée dans la sauvegarde du patrimoine en temps de crise, le personnel "a tout essuyé, enlevé les moisissures, fait sécher", détaille Achoura Boinaïdi. Selon le directeur du musée, 30% des collections archéologiques ont été endommagées.

– "Sentiment de chaos" –

À quelques pas, l'ancienne résidence du gouverneur, construite au XIXe siècle, se dresse telle une maison hantée.

L'ancienne résidence du gouverneur, construite au XIXe siècle, endommagée par le passage du cyclone Chido sur l'île en décembre 2024, le 1er avril 2025 à Dzaoudzi

L'ancienne résidence du gouverneur, construite au XIXe siècle, endommagée par le passage du cyclone Chido sur l'île en décembre 2024, le 1er avril 2025 à Dzaoudzi

Marine GACHET - AFP

Les persiennes de la bâtisse ont été arrachées par le vent, tout comme le toit. "Un sentiment de chaos" étreint Achoura Boinaïdi chaque fois qu'elle voit le site.

"La fragilisation est générale", notamment au niveau du plancher, précise Côme de Framond, délégué à Mayotte de la Fondation du patrimoine, qui accompagne sa rénovation.

La résidence doit devenir une extension du MuMa, la caserne ne pouvant plus accueillir de public depuis 2021, suite à des séismes l'ayant fragilisée en 2018.

Les diagnostics des deux structures sont à refaire depuis Chido, alors que la restauration de la caserne devait commencer en janvier.

La façade du Musée de Mayotte endommagée par le passage du cyclone Chido en décembre, le 1er avril 2025 à Dzaoudzi

La façade du Musée de Mayotte endommagée par le passage du cyclone Chido en décembre, le 1er avril 2025 à Dzaoudzi

Marine GACHET - AFP

D'autres sites historiques ont subi des dégâts. Michel Charpentier avait l'habitude de visiter les usines sucrières du XIXe siècle avec l'association qu'il préside, Les Naturalistes.

"Celle de Soulou est devenue inaccessible", déplore-t-il. Dans ce domaine du nord de Mayotte, plusieurs chutes d'arbres ont rendu les ruines dangereuses. Des parties de l'entrepôt et du bâtiment principal se sont effondrées.

"Les usines sucrières, c'est là où on a le plus d'effondrements", commente Michaël Tournadre, évoquant notamment celle d'Hajangoua, dont l'entrepôt a souffert.

Les ruines de l'ancienne usine sucrière d'Hajangoua, le 31 mars 2025 à Dembeni, à Mayotte

Les ruines de l'ancienne usine sucrière d'Hajangoua, le 31 mars 2025 à Dembeni, à Mayotte

Marine GACHET - AFP

Si ce site historique du sud de l'île a été déblayé, plusieurs pierres jonchent encore le sol.

"L'enjeu n'est pas de les reconstruire, mais de les consolider, les cristalliser pour en faire des sites de visite", indique Côme de Framond, dont la Fondation suit également ces deux sites.

– Des diagnostics en cours –

Un architecte en chef des monuments historiques est venu en janvier à Mayotte pour un premier diagnostic général.

"On est en train d'évaluer les dégâts au niveau financier pour voir dans quelles mesures on intervient", précise Michaël Tournadre. Selon lui, la reconstruction devrait être accélérée par "une contraction des délais d'instruction".

La mosquée du XVIe siècle de Tsingoni endommagée par le passage du cyclone Chido en décembre, le 27 mars 2025 à Mayotte

La mosquée du XVIe siècle de Tsingoni endommagée par le passage du cyclone Chido en décembre, le 27 mars 2025 à Mayotte

Marine GACHET - AFP

La Fondation du Patrimoine a par ailleurs annoncé en mars la création d'un fonds spécial Mayotte d'un million d'euros pour restaurer plusieurs sites, dont les usines sucrières, l'ancienne caserne, la résidence du gouverneur ou la mosquée du XVIe siècle de Tsingoni, plus ancienne mosquée en activité de France.

Mais le cyclone a aussi pu mettre au jour des vestiges en bouleversant la terre et les littoraux.

Des sépultures découvertes sur un îlot au large de Mamoudzou ont été signalées à la DAC dans les semaines suivant le passage de Chido. Un appel à témoins a été lancé fin mars pour quiconque aurait fait d'autres découvertes.

Par Marine GACHET / Dzaoudzi (France) (AFP) / © 2025 AFP

L'info en continu
10H
09H
08H
04H
01H
23H
22H
20H
19H
Revenir
au direct

À Suivre
/