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La justice ouvre une enquête sur des suicides à La Poste

En 2017 et 2018, en quelques mois, deux employés de La Poste se suicident et un autre tente de mettre fin à ses jours: la justice a ouvert une enquête pour homicide involontaire sur fond de soupçons de réorganisation "pathogène" de leur site, près de Lyon.

DENIS CHARLET - AFP/Archives

En 2017 et 2018, en quelques mois, deux employés de La Poste se suicident et un autre tente de mettre fin à ses jours: la justice a ouvert une enquête pour homicide involontaire sur fond de soupçons de réorganisation "pathogène" de leur site, près de Lyon.

Ces investigations, dirigées par un juge d'instruction, visent à savoir s'il y a eu "homicide involontaire aggravé par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail". Mais aussi "blessures involontaires dans le cadre du travail, harcèlement moral au travail et mise en danger de la vie d'autrui", a précisé le parquet de Lyon à l'AFP, confirmant une information de Mediapart.

"Aucune mise en examen n'est intervenue à ce stade", a complété le ministère public.

"Concernant les très tristes situations de ces personnes, les décisions juridictionnelles et administratives déjà rendues ont écarté tout lien avec le travail et tout caractère professionnel", a réagi La Poste.

Le groupe cite une décision de la CPAM du 3 avril 2020 et une décision du tribunal administratif de Lyon datant du 30 juin 2021, confirmée par la cour administrative d’appel de Lyon. Cette décision ne concerne que la tentative de suicide, selon l'arrêt consulté par l'AFP.

"C'est une affaire assez emblématique de ce qu'il se passe à La Poste et en particulier sur la branche courrier et colis", dénonce pour sa part Jérôme Vivenza de la CGT et postier à Tassin-La-Demi-Lune, dans la banlieue lyonnaise.

Avec la "baisse du courrier et l'augmentation du volume des colis, il y a une organisation à la va-vite sans prendre en compte le terrain", estime encore le syndicaliste auprès de l'AFP.

Selon Mediapart, l'Inspection du travail a effectué un signalement auprès de la justice après les suicides d'un postier et d'une postière ainsi que la tentative de suicide d'un postier en l'espace de onze semaines entre la fin 2017 et 2018.

- "Problèmes très factuels" -

Les trois étaient employés sur la plateforme de préparation et de distribution du courrier de Corbas, dans la métropole de Lyon, alors en pleine réorganisation, et se trouvaient en arrêt maladie au moment des faits, précise le site d'investigation.

Le site de Corbas entamait sa deuxième réorganisation des tournées de distribution du courrier en seulement deux ans et ces refontes avaient eu des conséquences directes sur les conditions de travail et de santé des employés, selon une expertise indépendante du cabinet Secafi, datée de 2019 et que Mediapart s'est procurée.

L'Inspection du travail avait quant à elle qualifié de "pathogène" le contexte sur la plateforme et vu dans l'absence de réaction de l'entreprise une possible "mise en danger d'autrui", selon Mediapart.

Une employée du site, âgée de 30 ans, s'est suicidée en décembre 2017 et un employé en fin de carrière a fait de même en mars 2018.

Fin 2017, un de leurs collègues, lui aussi en fin de carrière, était parti à pied et sans téléphone en direction de l'océan, à des centaines de kilomètres de chez lui, dans le but de mettre fin à ses jours, selon le média en ligne. Il avait été retrouvé dans une forêt de Corrèze, où il vivait isolé, avec des gelures aux deux pieds qui avaient conduit à une double amputation, selon l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en 2022 qui avait débouté le postier de sa demande de "reconnaissance de l'imputabilité au service de son épuisement professionnel et de sa tentative de suicide".

"A l'époque, nous avions dénoncé des problèmes très factuels qui ont été repris par l'inspection du travail dans son rapport adressé au juge", a réagi la secrétaire fédérale CFDT Aline Guerard auprès de l'AFP. La syndicaliste évoque des problématiques de management et de gestion des ressources humaines mais aussi "des problèmes d'organisation du travail" générant de l'absentéisme, lui-même causant "une dégradation des conditions de travail".

De son côté, Sud-PTT a indiqué à l'AFP qu'il "se porterait partie civile dans cette affaire".

Par Bertille LAGORCE, Ornella LAMBERTI / Lyon (AFP) / © 2024 AFP

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