Les dernières heures ont été "calme(s)" en Martinique, où le couvre-feu nocturne a été prolongé après les violences urbaines de ces derniers jours et alors que se profile mercredi une nouvelle table ronde de négociations autour de la vie chère.
"La nuit du 14 au 15 octobre a été calme sur l'ensemble du territoire", a indiqué mardi la préfecture de l'île antillaise, qui a prolongé la veille le couvre-feu de 21H00 à 05H00 en vigueur sur toute l'île, après les nuits d'émeutes de la semaine dernière.
"Les opérations de levée des barrages et de nettoyage des voies se sont poursuivies", a ajouté la préfecture de Martinique dans un communiqué.
Le couvre-feu, "mesure exceptionnelle", a été prolongé jusqu'au 21 octobre, a précisé la préfecture.
L'île antillaise de près de 350.000 habitants est en proie depuis début septembre à une mobilisation sociale qui a dégénéré en violences urbaines contre le prix des produits alimentaires, 40% plus chers que dans l'Hexagone.
Pour essayer de répondre à cette problématique, le président du conseil exécutif de la Martinique Serge Letchimy et le préfet Jean-Christophe Bouvier ont annoncé la tenue mercredi matin d'une nouvelle "table ronde de concertation".
Cette table ronde entre l'Etat et les acteurs locaux (militants, grande distributions, élus) pour faire baisser le coût de la vie était initialement prévue mardi, mais n'a pu se tenir faute de "nouvelle proposition concrète et viable", avait indiqué plus tôt M. Letchimy.
- "Violence des prix" -
Lors d'une réunion de militants mardi, Rodrigue Petitot, à la tête du collectif Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC) a répété que les parties prenantes étaient jusque là tombées "d’accord sur 24 points sur 26".
Mais, a-t-il dit, cela bloque encore sur le différentiel de prix entre Martinique et France métropolitaine et le fait qu'un accord soit conclu "sur tout l’alimentaire et pas (sur) une partie" seulement (le document de travail actuel évoque seulement 54 familles de produits concernées). Le RPPRAC est d'accord pour "un différentiel de +10/+15% en Martinique comparé à la France métropolitaine", a-t-il précisé.
"Les gens n’ont pas le droit de spéculer et faire de l’argent sur ce qu’on mange. Nous allons continuer, nous n’allons pas faire de concessions. Ce que nous voulons retrouver, c’est du pouvoir d’achat", a renchéri Gwladys Roger, autre leader du RPPRAC.
M. Petitot a par ailleurs condamné "toute forme de violence". "Mais je condamne aussi toute criminalité envers le peuple. En premier lieu la violence des prix de l’alimentaire, l’inaction de l’Etat vis-à-vis de ce problème-là, parce que c’est tout ça qui nous a amenés là où nous en sommes."
"Il y a une connivence entre l’Etat et la grande distribution", a-t-il dit encore.
- Dégâts "irréversibles" -
Dans un communiqué, le Medef local a alerté sur les destructions d'emplois entrainées par les émeutes. Un total de "171 bâtiments ont été impactées" et plus de 1.000 emplois sont d'ores et déjà directement menacés par les destructions et les pillages, selon ce communiqué.
"Détruire les entreprises est contreproductif à tous points de vue", a ajouté le Medef, qui estime que "l'important différentiel de prix avec la France hexagonale est lié à l'éloignement géographique", alors que les acteurs de la distribution sont ciblés par les militants.
Sur le plan sécuritaire, plus de 300 policiers et gendarmes sont arrivés en renfort dans le courant du weekend, a indiqué une source policière à l'AFP.
Des actions de protestation continuent d'être organisées, à l'image d'une opération escargot baptisée Molokoï, une tortue locale, à l'initiative de la CGT-Martinique, qui a réuni un petit nombre de participants.
"Nous appelons le gouvernement à entendre le cri des Martiniquais", a expliqué à l'AFP Marcel Rose-Adelaïde, militant CGT, assurant que "la population est chaud bouillante".
"Ce n'est que lorsque ça bouge, qu'il y a le feu partout, qu'on voit le gouvernement s'intéresser à nous", a-t-il ajouté.
Par Karl LORAND et Shahzad ABDUL / Fort-de-France (AFP) / © 2024 AFP