Des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et une facture qui s'alourdit: Michel Barnier a annoncé le lancement vendredi d'une consultation nationale de deux mois pour parachever le nouveau plan d'adaptation de la France au réchauffement climatique.
En déplacement à Eveux (Rhône) pour rencontrer des victimes des inondations, il a présenté le troisième Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3).
Ce plan doit "mettre en cohérence tous les leviers de l'action gouvernementale", et "devra tenir compte de nos stratégies en termes de biodiversité, d'aires protégées, de zones humides, de la question de la santé liée à l'environnement ou encore des démarches engagées pour l'agriculture et pour la forêt avec les agriculteurs", a résumé M. Barnier.
Protection du patrimoine culturel du pays contre les inondations et la chaleur, conditions de travail, santé publique, fonctionnement des écoles, fonction publique, assurances, logements, prisons, communications électroniques, intelligence artificielle...: un vaste éventail des activités humaines est concerné.
Exemple concret de ce qui peut attendre nombre de Français: ces victimes des inondations rencontrées par le Premier ministre vendredi dans une zone commerciale de Givors, dans le Rhône, dévastée par les intempéries des 17 et 18 octobre.
- 51 mesures -
"L'eau est montée en 3 heures 30, une grande partie de la ville a été inondée", a raconté le maire Mohamed Boudjella. "400 habitations" ont été touchées, ainsi que "110 commerces", a-t-il expliqué à l'AFP, soulignant que les habitants de la ville ont "de faibles revenus", "reconstruire leur vie va être long".
Michel Barnier a indiqué que la liste des communes classées en état de catastrophe naturelle serait dévoilée la semaine prochaine.
Le plan soumis à la consultation publique est conçu à partir de l'hypothèse d'un réchauffement de 4°C en France d'ici à la fin du siècle par rapport à l'ère préindustrielle (contre 1,7°C à ce stade).
Il se base sur une trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique (TRACC) à +2°C en 2023, +2,7°C en 2050 et +4°C en 2100, sachant que chaque dixième de degré supplémentaire apporte son lot de catastrophes et canicules.
Attendu depuis la fin 2023, il a sans cesse été repoussé par diverses échéances politiques.
Il comprend 51 mesures autour de cinq grands axes: protéger les populations, assurer les risques, adapter les activités humaines, protéger les espaces naturels et culturels, mobiliser les forces vives autour de ce défi.
- "Electrochoc" -
La première mesure annoncée vendredi consiste à augmenter de 75 millions d'euros en 2025 le fonds Barnier, crée en 1995 par l'actuel locataire de Matignon, alors ministre de l'Environnement, pour le porter à 300 millions.
Ce fonds public permet aux collectivités territoriales, aux petites entreprises et aux particuliers de financer des travaux pour réduire la vulnérabilité de bâtiments exposés aux catastrophes naturelles.
Récemment, la présidente de France Assureurs, Florence Lustman, avait appelé à arrêter le "hold-up sur le fonds Barnier", estimant qu'il aurait dû être porté à "à peu près 450 millions d'euros pour 2025", contre un niveau stable de 225 millions d'euros initialement prévu dans le projet de loi de finances en discussion au Parlement.
"L'État ne se donne pas les moyens de mener une vraie politique de protection et de prévention en matière de catastrophes naturelles", a réitéré vendredi France Assureurs dans une déclaration transmise à l'AFP.
Chaque année entre 2009 et 2020, ce fonds a financé environ 700 opérations de prévention pour un total de plus de deux milliards d'euros, selon un rapportde la Caisse centrale de réassurance (CCR).
Ce plan doit être "un électrochoc dans notre adaptation", résume Vivian Dépoues, chercheur à l'Institut de l'économie pour le climat. "Cela doit déclencher dans tous les secteurs et chez les élus un véritable +réflexe adaptation+ pour préparer une France à +4°C".
"Le PNACC-3 sera vain sans moyens financiers adéquats, en particulier pour les plus vulnérables", s'inquiète toutefois Anne Bringault, directrice des programmes du Réseau Action Climat.
"L'adaptation ne pourra reposer sur le chacun pour soi, ni sur un Etat se défaussant sur les collectivités tout en leur coupant les vivres", ajoute-t-elle, alors que le gouvernement demande un effort de 5 milliards d'euros aux collectivités locales dans son projet de budget 2025, qui prévoit également une coupe de 1,5 milliard dans le Fonds vert, destiné à financer leurs projets de transition écologique.
Le directeur du plaidoyer au WWF France, Jean Burkard, a quant à lui déploré que le plan ne prévoie "ni chef de file ni financements", estimant que "sans tête et sans jambes", il ne "pourra jamais se déployer".
Par Antonio RODRIGUEZ et Sylvain PEUCHMAURD / Eveux (AFP) / © 2024 AFP