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L'ancienne principale du collège de Samuel Paty dénonce un engrenage fatal

"D'un côté, je me dis que c'est pas possible que ce soit M. (Samuel) Paty et une autre voix me dit que c'est lui. J'étais sidérée. Je me suis adossée au mur, j'ai glissé doucement", s'est souvenu mardi devant la cour d'assises spéciale de Paris l'ex-principale du collège où travaillait le professeur assassiné le 16 octobre 2020 par un jeune islamiste radical.

Anne-Christine POUJOULAT - AFP/Archives

"D'un côté, je me dis que c'est pas possible que ce soit M. (Samuel) Paty et une autre voix me dit que c'est lui. J'étais sidérée. Je me suis adossée au mur, j'ai glissé doucement", s'est souvenu mardi devant la cour d'assises spéciale de Paris l'ex-principale du collège où travaillait le professeur assassiné le 16 octobre 2020 par un jeune islamiste radical.

Pour la première audition d'anciens collègues de Samuel Paty, la salle d'audience des "grands procès" est remplie d'enseignants. Le planning prévu a pris un retard de plusieurs heures mais le monde enseignant tient à être présent.

Audrey F., l'ancienne principale du collège du Bois-d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), qui travaille désormais dans un lycée international français en Chine, évoque un établissement "où il faisait bon vivre" jusqu'au mensonge éhonté d'une élève de 13 ans, l'exploitation de ce mensonge par un militant islamiste et l'assassinat sauvage d'un professeur d'histoire décrit comme "quelqu'un de sérieux et consciencieux".

Jupe noire, veste grise sur chemisier parme, Audrey F. revient sur la chronologie des faits. Le 8 octobre, la mère de Z., une collégienne de 4e, élève de Samuel Paty, déboule "survoltée" dans le bureau de la principale. La mère de Z., "agressive" et "irrespectueuse", accuse le professeur d'avoir exclu sa fille du collège parce qu'elle s'était opposée à son intention de montrer une caricature du prophète "nu" pendant son cours sur la liberté d'expression.

Z. a bien été exclue du collège pour deux jours mais, explique la principale, pour des raisons de discipline. Surtout, la jeune fille a tout inventé. Ce jour-là, elle avait séché le cours de Samuel Paty.

Mais l'engrenage fatal est lancé. En milieu de matinée, le père de la collégienne, Brahim Chnina, s'invite à son tour dans le bureau de la principale accompagné d'Abdelhakim Sefrioui qui se présente comme "responsable des imams de France", ce qu'il n'a jamais été.

Les deux hommes sont aujourd'hui dans le box des accusés pour participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle, un crime passible de 30 ans de réclusion.

Mais le 8 octobre 2020, dans le bureau de la principale, les deux hommes dénoncent un professeur "voyou" et demandent des comptes. Abdelhakim Sefrioui menace la principale d'organiser "une manifestation de musulmans" devant le collège et devant le rectorat. Le fondateur du collectif pro-Hamas Cheikh Yassine trouve "inadmissible" d'avoir dû attendre dehors avant d'être reçu par la principale.

- "Si on avait été juifs" -

"Si on avait été juifs, ça ne se serait pas passé comme ça", lance-t-il à la principale.

Et l'escalade continue. Des vidéos réalisées par les deux hommes avec le nom du professeur et du collège sont diffusées sur les réseaux sociaux. L'établissement reçoit des mails menaçants et des appels anonymes. MM. Chnina et Sefrioui portent plainte contre Samuel Paty pour diffusion "d'images pornographiques".

Audrey F. prend contact avec sa hiérarchie, la police, la mairie de Conflans-Sainte-Honorine. A son tour, Samuel Paty porte plainte contre ses harceleurs. Le commissaire qui prend sa plainte lui conseille de rester chez lui jusqu'aux vacances qui doivent commencer le 17 octobre.

"Ce serait reculer de rester chez moi", répond le professeur.

La suite est connue. Le 16 octobre, Abdoullakh Anzorov, un jeune Russe d'origine tchétchène de 18 ans, poignarde et décapite Samuel Paty.

"C'est difficile pour moi de répondre à la simple question : +Comment ça va ?+. J'ai envie de répondre: +Moi j'ai encore ma tête sur mes épaules alors ça va, ça peut aller+". Un silence et Audrey F. ajoute : "Je n'ai pas réussi à le protéger (...) C'est un énorme gâchis".

"Je ne pourrai pas avancer tant que ces personnes (dans le box) ne seront pas désignées coupables (...) Je me dis que s'il y a une justice, peut-être que je vais réussir à avancer", souligne encore Audrey F. toute droite à la barre devant la cour.

Par Alain JEAN-ROBERT / Paris (AFP) / © 2024 AFP

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