La Cour de justice de la République a condamné lundi l’ancien ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, à un mois de prison avec sursis. Est-ce la preuve, Laurent, que la justice se montre moins accommodante avec les politiques?
Si l’on s’en tient à ce jugement, la réponse est non ! Evidemment non ! Car l’ancien Garde des sceaux socialiste a quand même été reconnu coupable d’un délit grave, celui d’avoir violé le secret professionnel, en informant un autre élu, en l’occurrence le député Thiérry Solère des avancées d’une enquête judiciaire le concernant. Au risque de lui permettre de dissimuler des preuves, c’est-à-dire de faire entrave à la justice. Alors, un mois avec sursis, cela apparaît symbolique, ultra-clément, quand on sait que le parquet avait requis un an.
Et puis, si l’on regarde le comportement de la justice sur longue période, on ne peut s’empêcher de penser que cette mansuétude est la règle constante. A preuve Christine Lagarde qui, en 2016, a été reconnu coupable dans l’affaire Tapie mais dispensée de peine. A preuve encore Jacques Chirac – pardon de troubler la canonisation en cours- Jacques Chirac qui a certes été condamné à deux ans de prison avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, mais seulement en 2011, soit 25 ans après les faits.
Soit ! Mais depuis peu, il y a des contre-exemples…
Vous avez raison. Il y en a même beaucoup, comme si les vents commençaient à tourner.
- Tout récemment, il y a donc eu Patrick Balkany, condamné à 4 ans de prison.
- Il y a Edouard Balladur et François Léotard, dont le parquet vient de demander le renvoi en correctionnelle dans le volet financier de l’affaire Karachi.
- Et puis, il y a Nicolas Sarkozy, qui est renvoyé en correctionnelle dans l’affaire dites des « écoutes » ; qui va l’être aussi, aujourd’hui même, dans l’un des volets de l’affaire Bygmalion, qui a contribué au financement illégal de sa campagne de 2012 ; et qui est de plus en plus menacé par les avancées de l’enquête judiciaire sur le possible financement libyen de sa campagne.
Alors, vous voyez bien, la justice avance tout de même…
Oui, mais elle ne fait son office qu’avec difficulté. La preuve, c’est aussi l’affaire Urvoas qui la fournit. Car l’ancien garde des sceaux a certes été condamné. Mais le vrai scandale, au-delà de la violation du secret commis par le ministre, c’est que des notes d’enquête puissent remonter jusqu’à lui, en transitant par le parquet. Et ces pratiques continueront tant que le parquet ne sera pas indépendant. Tant que la justice ne sera pas indépendante. Et c’est pour cela que la condamnation est de pure forme. L’ex-ministre est rabroué. Mais ces détestables pratiques vont perdurer…