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Le choix d'un prénom, une liberté surveillée

Après la polémique sur le prénom Jihad, qu'un couple du Sud Ouest a décidé de donner à son enfant, Henri Guaino analyse l'évolution de la législation française en matière de prénom autorisé par l'état civil.

Un officier d'état civil de Toulouse a saisi le procureur comme la loi lui en fait le devoir pour protéger l'intérêt de l'enfant parce que des parents ont choisi de prénommer l'enfant Jihad. Ainsi, si la liberté prévaut en France pour le choix des prénoms, cette liberté est une liberté surveillée.

Le choix des prénoms n'a pas toujours été libre. Avant 1993, il était régi par la loi dite du 11 Germinal an 11 - 1er avril 1803 sous le Consulat - qui obligeait l'officier d'état civil à n'inscrire que les prénoms "en usage dans les différents calendriers et ceux des personnages connus dans l'histoire ancienne". En 1966, on a ajouté ceux légitimés par la coutume, ceux tirés de la mythologie, ds traditions régionales ainsi que les prénoms composés. Et si, en 1980, la Cour de cassation a jugé que les prénoms pouvaient être tirés de n'importe quel calendrier et qu'il n'existe aucune liste officielle, il fallait quand même que ces prénoms en soient pas ridicules. Ce n'est véritablement qu'en 1993 que la loi a posé le principe de la liberté totale avec les limites actuelles. Dans ce régime, l'officier d'état civil est obligé d'inscrire le prénom au registre mais la justice a le pouvoir d'effacer le prénom et d'en lui substituer un autre. En général, elle se réfère au caractère trop fantaisiste du prénom choisi.

Comment juger de ce caractère fantaisiste ? C'est tout le problème ! Sous l'empire du calendrier révolutionnaire qui prévalait jusqu'en 1806, tous les noms de Saints avait par exemple été supprimés. Ce calendrier nous a ainsi donné des prénoms tels que Rose, Giroflée, Jonquille, Orange ou Tubéreuse pour les filles, et pour les garçons : Égalité, Brutus, Chou-fleur, Floréal, Liberté, Jasmin, Romarin. Autant de filles et de garçons qui ont dû se débrouiller toute le reste de leur vie avec ces jolis patronyme. À partir de 1806, la calendrier grégorien a remis les Saints à l'honneur.

Pendant longtemps, on a "pioché" dans un stock limité de prénoms traditionnels. À quelques exceptions près, on se les transmettait presque comme les noms de famille. On choisissait le prénom du parrain, du grand-père ou de la grand-mère, d'un oncle ou encore d'une tante. Ils étaient parfois très locaux. Ainsi, il n'y a que dans la ville de Arles (Bouches-du-Rhône) que l'on trouve des Trophime, un saint local. Le choix d'un prénom était alors quelque chose de sérieux et qui ne souffrait pas de beaucoup de fantaisie.

À partir de 1993, tout a dérapé ! Les choix sont devenus plus fantaisistes, on est allé puiser dans les feuilletons télévisés, les séries, les jeux vidéos et pire, beaucoup de parents ont cherché à être imaginatifs sans penser à leurs enfants. Ainsi, la justice a-t-elle refusé Nutella, Fraise, Fleure de Marie ou encore, pour des jumeaux, Pastriste et Joyeux... Mais on a quand même eu droit à Euthanasia ou à Tabithe, vieux prénom nordique dont la consonance en français en fait un magnifique cadeau pour l'enfant condamné à le porter. Tout ceci serait à mourir de rire si ça n'avait pas des effets délétères sur des vies et des sociétés.

Tout cela existe, c'est une vérité, ce sont les ravages du droit à l'enfant, de l'adulte qui pense l'enfant comme un objet qui lui appartient pour son seul plaisir sans le regarder comme une personne au plein sens du terme. Mais le pire, ce ne sont pas les prénoms fantaisistes. Le pire, ce sont les parents sérieux qui font du choix de prénom un acte de sécession culturelle.  C'est par exemple l'histoire des parents qui ont voulu appeler leur fils "Mohamed Merah" et de ceux qui veulent appeler leur enfant Jihad...

>> L'intégralité de la chronique est disponible en podcast

 

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