Après François Bayrou, le gouvernement persiste: "l'impératif" d'un équilibre financier conjugué à un nouvel effort militaire ne rendent "pas réaliste" le retour à la retraite à 62 ans, de quoi susciter colère et incompréhension, de la gauche qui parle de "trahison" aux syndicats qui veulent des "clarifications", en plein "conclave" des partenaires sociaux.
"La retraite à 62 ans, avec le cadrage qui a été fixé de revenir à l'équilibre du système des retraites en 2030, (...) c'est juste que c'est pas réaliste", a ainsi déclaré lundi la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin.
Une déclaration dans la droite ligne de celle de François Bayrou qui a répondu "non" dimanche à une question sur un retour de l'âge de départ à la retraite à 62 ans, contre 64 ans dans la loi actuelle, compte tenu du contexte international.

Le Premier ministre de la France, François Bayrou, visite l'usine du fabricant français de matériel ferroviaire Alstom à Aytré, près de La Rochelle, dans l'ouest de la France, le 14 mars 2025
Christophe ARCHAMBAULT - AFP
Le Premier ministre a ainsi donné l'impression de préempter, au moins sur ce point, l'issue des discussions entre partenaires sociaux. Ce que le ministre de l'Economie Eric Lombard a tenté de rectifier par la suite en affirmant que c'est le "conclave" qui "doit se prononcer".
Mais la voix de M. Lombard, interlocuteur privilégié des socialistes dans les négociations budgétaires qui ont abouti à une non censure du gouvernement, semble un peu isolée au sein de l'exécutif et du bloc qui le soutient à l'Assemblée.
Certes, a dit lundi sur FranceInfo l'ex-Première ministre Elisabeth Borne, auteure de la réforme contestée de 2023, les partenaires sociaux "ont toute latitude pour réfléchir à des améliorations", sur les carrières longues, la pénibilité, ou l'équité hommes-femmes, mais "à condition d'assurer l'équilibre du système de retraite".
- Effort militaire -
Pour s'éviter une nouvelle censure du Parti socialiste, François Bayrou avait rouvert en janvier le dossier de la réforme et confié aux partenaires sociaux la tâche de trouver un nouvel équilibre du système et de rediscuter "sans aucun totem" ni "tabou" sur le départ ultra contesté à 64 ans.
Les syndicats, qui remettent tous en cause le recul progressif de l'âge de départ de 62 à 64, n'ont que peu goûté les dernières déclarations.
La CFTC a réclamé lundi "des clarifications à Matignon" et la CFDT compte demander au Premier ministre "s'il confirme ses propos" lors d'une rencontre déjà programmée entre le syndicat et M. Bayrou mardi.
"La sortie du Premier ministre est incompréhensible. Tout était soit disant sur la table. (Il) vient de changer la règle", dénonce la CFDT dans un message transmis à l'AFP.
A cette exigence budgétaire s'est ajoutée ces dernières semaines une nouvelle donne internationale et un effort militaire que la France cherche à financer sans aggraver l'endettement du pays.
L'exécutif exclut d'augmenter les impôts, comme le réclame la gauche pour les plus aisés. La droite veut tailler dans les dépenses publiques, l'ancien Premier ministre Edouard Philippe juge "complètement dépassé" le conclave sur les retraites...
- La CGT s'interroge -
Pour l'instant, CFDT, CFTC et CFE-CGC restent à la table des négociations jugeant que "les sujets abordés comme l’égalité salariale, les droits familiaux, les carrières longues, la pénibilité… sont importants", selon Cyril Chabanier (CFTC).

La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet (gauche) et le membre du bureau confédéral élargi de la CGT Denis Gravouil, arrivent à l'Hôtel Matignon avant des pourparlers avec le Premier ministre français, au centre de Paris le 8 janvier 2025
Thomas SAMSON - AFP/Archives
La CGT interroge ses instances, réunies lundi et mardi, sur l'attitude à adopter.
Une nouvelle intersyndicale, cette semaine, doit permettre de "réfléchir à une réponse aux déclarations récentes du président de la République" sur l'effort demandé dans le contexte de la guerre en Ukraine, "mais pas du maintien ou non dans les négociations retraites", selon François Hommeril (CFE-CGC).
Côté politique, sans prononcer le mot de censure, les socialistes ont dénoncé une "trahison" du Premier ministre.

Boris Vallaud, dans la cour de l'Hôtel Matignon, à Paris, le 16 décembre 2024
LOU BENOIST - AFP/Archives
"Le gouvernement doit laisser les partenaires sociaux travailler et le Parlement, ensuite, légiférer. À la brutalité sociale de la réforme, la brutalité démocratique de son adoption, François Bayrou compte-il ajouter la brutalité de la trahison de la parole donnée… et écrite ?", a fustigé le chef des députés socialistes Boris Vallaud.
"J'ai accepté de faire un deal (sur la non censure) c’est pas réglo si un des partenaires du deal donne l'impression de s’en exonérer", a prévenu de son côté le député PS Jérôme Guedj sur RMC.
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Par Fabrice RANDOUX / Paris (AFP) / © 2025 AFP