La France vient d'être condamnée par un comité d’experts des droits de l’Homme de l’ONU. La raison : ne pas avoir autorisé le port du niqab en France, pour des raisons de sécurité. Or de plus en plus de femmes sont entièrement voilées sur notre territoire. En est-on à un point où l’on pourrait l’autoriser au nom de cette liberté d’expression ?
Interdit pour des raisons sécuritaires
"Ce n’est pas parce qu’une loi n’est pas respectée qu’il faut la changer", souligne Véronique Jacquier. Pour rappel, le niqab est le voile islamique intégral, avec seulement une ouverture pour les yeux, tandis que la burqa y ajoute un grillage devant les yeux. Ces deux vêtements sont interdits en France depuis 2010, y compris pour les touristes. Et ce, non pour des motifs religieux, mais sécuritaires. En effet, il faut pouvoir voir le visage de son interlocuteur.
Or, les experts de l’ONU estiment, pour leur part, que les libertés individuelles ne sont pas respectées par l'État Français. En effet, si ce vêtement est choisi sans contrainte, qui serait en droit de dire qu’il ne peut être porté ? Outre-Atlantique, une loi anti-niqab serait tout simplement impensable au nom du respect des libertés individuelles.
Alors, pourquoi ce vêtement met-il mal à l’aise ? "Parce qu’il est imposé, souligne Véronique Jacquier. En Arabie Saoudite, en Syrie, en Iran, en Irak, en Afghanistan... par l’État islamique". À l'inverse, les pays du Maghreb décident de l’interdire : l’Algérie l'a interdit récemment sur le lieu de travail tandis qu'en Tunisie, le grand mufti vient de définir le niqab comme "un habit que l’on peut restreindre quand il y a danger pour la société".
Ostentatoire et politique
Stéphanie Ayoun, Niçoise de 43 ans, porte le niqab depuis vingt ans et ce, malgré la loi. "À la base, je l’ai porté parce que j‘estimais que c’était une liberté. Et j'ai continué à le porter malgré la loi. J’ai trouvé un compromis : quand j’estime que j’arrive dans un endroit où je dois être identifiée, je lève le niqab."
Et dans la rue ? "Quand la loi est entrée en vigueur, en 2010, j'ai été contrôlée constamment. En même temps, c'est normal, nous étions en état d'urgence et cela a été amplifié au moment des attentats." A-t-elle le sentiment que de plus en plus de femmes le portent ? "Absolument pas. Les années ont passé et cela n’a pas été une source d’inspiration pour d’autres femmes", estime-t-elle.
"Burqa, c'est un langage afghan et niqab, c'est un mot arabe. Il faut l'appeler voile. Moi, je suis pour que l'on puisse le porter, estime Noureddine Aoussat. Nous ne sommes pas en Arabie Saoudite. Les valeurs françaises sont fondées sur égalité, liberté, fraternité ainsi que la laïcité. Si les femmes voilées disent le porter en toute conscience, personne ne peut le leur interdire."
"Vous parlez de la République, or rien ne garantit le fait que les femmes soient réellement libres de porter le voile", conteste Laurence Marchand-Taillade. Ce n'est pas une question de laïcité. L'expression de la religion est autorisée dans la loi. Moi, ce qui me pose problème, c'est l'appropriation du corps de la femme."
"S'approprier le corps des femmes ? C'est vous, Madame, qui vous l'appropriez en disant qu'une femme n'a pas le droit de porter le voile alors qu'elle le souhaite", s'insurge Noureddine Aoussat. L'ostentation, c'est quelque chose de subjectif. Il ne faut pas dire que le port du voile, c'est politique. Après, on dira que c'est militant puis radical puis terroriste. C'est dangereux."