De passage en Corse pour une visite éclair historique, le pape François a plaidé dimanche pour une laïcité qui ne soit pas "statique et figée", avant de lancer un appel à "la paix" pour "tout le Moyen-Orient" et entre les peuples russe et ukrainien.
S'exprimant en clôture d'un congrès sur "la religiosité populaire en Méditerranée", le pape a défendu "un concept de laïcité qui ne soit pas statique et figé, mais évolutif et dynamique".
Une laïcité "capable de s'adapter à des situations différentes ou imprévues et de promouvoir une coopération constante entre les autorités civiles et ecclésiastiques pour le bien de l'ensemble de la communauté, chacune restant dans les limites de ses compétences et de son espace", a-t-il dit devant des religieux et théologiens.
Il a également mis en garde contre "le risque" que "la piété populaire soit utilisée, instrumentalisée par des groupes qui entendent renforcer leur identité de manière polémique en alimentant des particularismes, des oppositions, des attitudes d'exclusion", dans un message pouvant s'adresser aux nationalistes corses.
En Corse, un nouveau mouvement nationaliste d'extrême droite, Mossa Palatina, se targue notamment de "réaffirmer la primauté du catholicisme" et assure que "la Corse ne sera jamais Lampedusa", cette île italienne ou débarquent de nombreux migrants ayant traversé la Méditerranée. Un discours à l'opposé de celui du pape, qui défend l'accueil des migrants.
Dans un second discours, quelques minutes plus tard, en la cathédrale Notre-Dame de l'Assomption d'Ajaccio, où il a été accueilli par l'évêque de Corse, Mgr François-Xavier Bustillo, et le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, le jésuite argentin a lancé un appel en faveur de "la paix" pour "tout le Moyen-Orient" mais aussi "pour le peuple ukrainien et le peuple russe".
"Paix pour le monde entier", a-t-il conclu, en citant notamment la Palestine, Israël, le Liban et la Syrie.
Après avoir récité la prière de l'Angélus, le souverain pontife a également dit "soutenir par l'esprit" les victimes du cyclone qui a dévasté la veille l'archipel de Mayotte, département le plus pauvre de France, y faisant au moins 14 morts.
Une semaine après avoir snobé la réouverture de Notre-Dame de Paris, malgré l'invitation du chef de l'Etat, le pape, qui fêtera ses 88 ans deux jours après ce voyage, était arrivé sur l'île méditerranéenne française peu avant 09H00 du matin.
En fauteuil roulant, avec encore un hématome au visage, résultat d'une chute au saut du lit, il y a quelques jours, il a été accueilli par le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau et un petit groupe d'enfants corses, au son de musique corse.
Dans les rues de la principale ville de cette île de 350.000 habitants, dont 80% de catholiques, selon le Vatican, quelque 12.000 fidèles selon la préfecture ont salué le souverain pontife aux cris de "Viva il papa".
Sur son passage, lors de sa déambulation en papamobile sur le front de mer et ensuite dans la ville, Jorge Bergoglio a béni plusieurs bébés et enfants, une dame de 108 ans et une... pizza tendue par un commerçant local.
Dans la cathédrale, Solène Pianacci, 44 ans, s'est dite "très heureuse", comme les quelque 300 personnes ayant décroché la précieuse invitation: "Je trouve ça exceptionnel, je suis émue, c'est un moment unique, magique, c'est une chance unique", a expliqué cette directrice d'école sous les plafonds peints de cette cathédrale où Napoléon a été baptisé.
Dimanche après-midi, le pape doit ensuite participer à une messe, à 15h30, qui devrait rassembler 9.000 personnes au théâtre de verdure du Casone. Puis il repartira peu après 18h00 (17h00 GMT), selon le Saint-Siège, après un entretien à l'aéroport avec Emmanuel Macron.
Bannières jaunes et blanches (les couleurs du Vatican) dans les rues, façade de la cathédrale Notre-Dame de l'Assomption repeinte, interdictions massives de stationnement, 2.200 renforts déployés pour la sécurité: la ville s'était préparée en urgence, après la confirmation tardive, fin novembre, de cette visite.
De Malte à la Sicile en passant par l'île grecque de Lesbos, François s'est rendu à plusieurs reprises dans le bassin méditerranéen, qui concentre plusieurs priorités de son pontificat, comme le dialogue interreligieux ou l'accueil des migrants.
Le chef de l'Eglise catholique s'est déjà rendu deux fois sur le territoire français depuis le début de son pontificat en 2013, à Strasbourg en 2014 et à Marseille en septembre 2023, mais n'y a jamais effectué de visite d'Etat.
Par Gaël BRANCHEREAU, Maureen COFFLARD, Claire GALLEN / Ajaccio (AFP) / © 2024 AFP