Moins d'avantages fiscaux, plus de liberté laissée aux municipalités pour limiter l'offre: le Parlement a donné jeudi son feu vert définitif à une loi visant à mieux réguler le marché des meublés touristiques de type Airbnb.
Ce texte d'origine parlementaire, en chantier depuis avril 2023, a fait l'objet fin octobre d'un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Une version du texte commune aux deux chambres a donc pu être largement approuvée jeudi par les députés - seule l'extrême droite s'y est opposée. Elle l'avait déjà été mardi par les sénateurs, à l'unanimité.
"En pleine crise du logement et face à l'augmentation explosive du nombre de meublés de tourisme, passé de 300.000 à 1,2 million en huit ans, ce texte était nécessaire non pas pour interdire, mais pour réguler", a exposé le député PS Inaki Echaniz, l'un des co-auteurs de la loi, avec l'élue macroniste Annaïg Le Meur.
"Redonner la fonction première du logement est notre seul leitmotiv", a abondé cette dernière.
Pour contrôler le phénomène, la loi réforme notamment la fiscalité applicable à ces locations, jusqu'à présent plus favorable que celle pesant sur les logements classiques.
Pour les meublés de tourisme non classés - qui n'ont pas sollicité de label, de une à cinq étoiles -, l'abattement fiscal passera de 50% à 30%, s'alignant ainsi sur la location nue, avec un plafond à 15.000 euros. Quant aux meublés classés et chambres d'hôtes, ils bénéficieront d'un abattement ramené de 71% à 50%, et d'un plafond abaissé à 77.700 euros.
Les règles de performance énergétique seront également uniformisées, pour éviter une "fuite" des logements mal isolés vers les locations de courte durée.
Seuls les élus du RN et leurs alliés ciottistes ont fait entendre une voix dissonante: la loi va "favoriser les géants du secteur hôtelier" tout en imposant une "fiscalité délirante et punitive" contre les propriétaires, a asséné Alexis Jolly (RN).
- "Boîte à outils" pour les maires -
Le texte donne à toutes les communes une "boîte à outils" pour réguler le phénomène. Jusqu'à présent, seules celles de plus de 200.000 habitants, situées en "zone tendue", pouvaient agir.
S'ils le jugent nécessaire, les maires pourront ainsi plafonner à 90 (au lieu de 120 actuellement) le nombre de jours dans l'année où un particulier peut louer sa résidence principale sur une plateforme.
Toutes les communes pourront aussi mettre en place des quotas de meublés de tourisme. Et celles situées en "zone tendue", ou comportant plus de 20% de résidences secondaires, pourront désigner, dans leur plan local d'urbanisme (PLU), des zones réservées à la construction de résidences principales.
A Paris, le prochain PLU, qui sera voté mi-novembre, doit ainsi comporter une interdiction de nouvelles locations meublées touristiques à Montmartre, dans le Marais et aux abords de la Tour Eiffel, selon Ian Brossat, sénateur communiste et conseiller à la mairie de Paris.
Reste à savoir combien de villes se saisiront de ces nouvelles possibilités, alors que jusqu'à présent, seules 350 communes ont imposé des restrictions, sur les 4.000 qui le pouvaient, selon un décompte d'Airbnb.
"Cette proposition de loi, des centaines de maires, de Paris à Biarritz, d'Annecy à Saint-Malo, l'attendent avec impatience", a assuré lors du débat le député PS et adjoint au maire de Marseille chargé du tourisme, Laurent Lhardit.
A Marseille, "nous sommes prêts à délibérer dès la promulgation de la loi pour appliquer la réglementation la plus stricte en France en la matière", a ajouté l'élu socialiste, qui a appelé le gouvernement à "résister aux lobbies" pour publier rapidement les décrets d'application de la nouvelle législation.
Le texte prévoit de généraliser le numéro d'enregistrement pour tous les meublés. Le loueur devra en outre informer son syndic de copropriété - qui pourra décider dans son règlement d'interdire ou non la location en meublés de tourisme.
La création de nouveaux logements en location meublée touristique sera désormais soumise dans toutes les communes à une autorisation de changement d'usage.
La nouvelle loi a été saluée par les représentants des hôteliers, qui l'ont jugée "équilibrée", ainsi que par les fédérations représentant le tourisme (CAT et ADN Tourisme).
A l'inverse, AirBnB, dont la France est le deuxième marché - la plateforme héberge des propositions de locations dans plus de 29.000 communes du pays - a regretté jeudi de "nouvelles contraintes fiscales et administratives", tout en affirmant qu'elles n'auraient "pas d'impact notable" sur ses activités en France.
Le groupe s'est dit prêt à "travailler avec davantage de communes" à des mesures "proportionnées et efficaces, dans les territoires où les problématiques sont clairement identifiées".
Par Arnaud BOUVIER / Paris (AFP) / © 2024 AFP