Fléau commun à de nombreuses métropoles, le rat est en passe de devenir un emblème cool et décalé dans les milieux branchés de Marseille, où il est devenu la source d'inspiration d'artistes et designers de plus en plus nombreux.
Dupliqué au pochoir sur les murs, décliné en t-shirts et même érigé en statue, le rongeur s'affiche sans honte dans la cité phocéenne.
Dès le soir tombé, le "Rattus" s'affaire autour des containers poubelles souvent à ciel ouvert, se faufilant parfois entre les jambes de touristes apeurés.
"A Marseille, les rats sortent un peu à la Méditerranéenne: ils mettent la chaise dehors et puis ça discute... Ils se font voir à Marseille. Ils ne se cachent pas trop", s'amuse Rhazi, gérant du magasin Brick City qui a lancé une collection dédiée, "Racoste".
"C'est commun à toutes les grandes villes, on est d'accord. Et c'est proportionnel au nombre d'habitants, on est d'accord aussi. Mais à Marseille, ils sont plus sympas", assure-t-il.
Dans son magasin situé tout près du cours Julien, le quartier de la jeunesse arty de Marseille, le tee-shirt vedette, blanc et vert, reprend les codes d'une célèbre marque au crocodile. Casquettes, bobs et autres bonnets multicolores arborent aussi un petit rat en logo.
Dans la boutique, un client essaie différentes casquettes. Arnaud Devauchelle dit avoir déjà "eu des expériences avec des rats à Marseille, qui te passent entre les jambes ou des trucs comme ça", mais, pour lui, "c'est cool !".
- "Kakou marseillais" -
Dans son atelier, Rémy Lieveloo peint à l'aérographe un gros rat gris à la longue queue rose, barré du nom de Marseille, sur un t-shirt.
Cet artiste-peintre dit avoir eu "cette idée pour tous les touristes qui viennent l'été et ont l'image de Marseille que la ville veut donner aux touristes". Sauf que, dit-il, "la réalité, c'est que la ville, elle est ce qu'elle est, elle ne changera pas. Et les rats font partie du décor marseillais".
Héros comique de fresques murales, le rat se décline en tongs ou aux couleurs de l'Olympique de Marseille. "Pour toujours, Olympien", proclame un rongeur, chapeau sur la tête et lunettes sur le nez, au coin d'une rue bordant le "cours Ju".
Selon les estimations de la municipalité, Marseille compte environ 1,5 million de rats, soit 1,5 à 1,7 rat par habitant.
"Etant du centre-ville, les rats, on les a toujours connus, on ne peut pas dire qu'il y en a plus ou moins qu'avant", estime le plasticien Alain Paris.
Dans une série de sculptures intitulée "Les Monstres", il présente "Le Rat marseillais", une pièce unique en gypse, peinte à la bombe et réalisée en "hommage à notre belle ville".
"Le rat, c’est un peu mariole, c’est un peu le mac. Quand il y a un rat qui arrive dans la rue, déjà les gens sont en train de flipper leur race... Le rat, pour moi, c'est le kakou...", rigole-t-il.
Si le rat amuse certains, il est une véritable calamité dans de nombreux quartiers de la deuxième ville de France, nichant dans les boîtes aux lettres de copropriétés dégradées ou grimpant dans les étages de certaines résidences.
En juillet 2022, l'Académie nationale de médecine avait mis en garde contre "la surpopulation de rats d'égout dans les grandes villes comme Paris et Marseille", rappelant qu'elle "est un véritable danger pour la santé publique".
Par Fabien NOVIAL / Marseille (AFP) / © 2024 AFP