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Le regard libre d'Elisabeth Lévy - Le 11 mai ou la liberté conditionnelle

Le Premier Ministre, Edouard Philippe, l'a annoncé hier devant l'Assemblée : le 11 mai n'est qu'un objectif pour l'instant et les Français pourraient bien se faire taper sur les doigts et se voir refuser la liberté totale - ou presque - d'ici là s'ils ne sont pas sages. Entre discours de peur et infantilisation des masses, nous ne sommes pas sortis d'affaire.

Tous les matins à 8h15, le regard libre d'Elisabeth Lévy dans le Grand Matin Sud Radio.

Le 11 mai, nous passons en régime de semi-liberté, préparez-vous.

C’est tout à fait ça. Et encore, si on voit le verre à moitié plein. Sinon, on peut dire que nous serons semi-confinés. Une forme de liberté conditionnelle, encore faut-il repasser en commission devant le juge d’application des peines le 7 mai. Si on repasse au-dessus des 3000 hospitalisations par jour, on resserrera les vis. Retour à la case confinement. 

Et puis, c’est une liberté privée, qui s’adresse aux hommes plus qu’aux citoyens : vous pourrez dîner entre amis, mais pas défiler avec vos camarades de combat. Au moins les commerçants sont-ils assurés de quelques mois sans manifestations.  

Cela dit, on peut vraiment parler d’élargissement, comme pour les détenus : non seulement nous recouvrons le droit sacré d’acheter des chaussures, mais la longueur de notre laisse passe de 1 kilomètre à 100. 

Suis-je seulement ironique ?

Non, pouvoir sortir de chez soi sans fournir une raison, et même sans rime ni raison, est une étape majeure du retour à l’autonomie individuelle. 

On peut cependant risquer un peu d’ironie (façon café du commerce), sur cette affaire de départements et de 100 kilomètres. Il faudra m’expliquer comment s’articulent les deux. 

Comme le dit Nicolas Dupont-Aignan, il est étonnant de rétablir les frontières intérieures quand on refuse de fermer les frontières extérieures. En somme, le virus n’aurait pas de passeport mais il connaîtrait la carte des départements ? 

Chaque soir pendant la messe du père Salomon, on verra une carte avec du vert et du rouge, on devrait suivre. Les habitants des zones rouges ne doivent pas apporter leurs miasmes dans les zones vertes. Sauf pour motifs professionnels et familiaux impérieux. Donc on n’en a pas fini avec les attestations et les contrôles. Ça sera amusant, si en plus d’apprécier nos motivations, les policiers doivent vérifier le kilométrage parcouru. 

Vous ne prenez décidément pas le risque sanitaire au sérieux ? 

Oh si, le risque de deuxième vague est même très sérieux. Mais confinés puis déconfinés - en même temps oblige -, ça ne va pas marcher longtemps. 

Par ailleurs, la stratégie du gouvernement de passer d’un confinement général à un confinement ciblé sur les malades semble très pertinente si les moyens suivent. 

Le Premier Ministre a fait appel à notre vertu, à savoir notre sens des responsabilités, les mesures barrières, les masques et tout le tintouin. Et il peut aussi compter sur notre peur. En effet, je ne suis pas sûr que nous désirions tant que ça cette liberté qui s’annonce. Après s’être gendarmé pour nous faire rester chez nous, le gouvernement devra nous convaincre de sortir de chez nous. La peur est légitime mais n’oublions pas que, dans vivre avec le virus, il y a vivre.

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