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Emmanuel Macron a rendu visite au professeur Raoult à Marseille. Que faut-il en conclure ?
Si on s’en tient aux mots, du moins aux éléments de langage distillés par l’Elysée, rien de notable. Insensible aux querelles idéologiques et aux orientations capillaires des médecins, Emmanuel Macron encourage toutes les recherches. Comme disent les Chinois, peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape la souris.
Hier matin, le président de la République était à l’hôpital du Kremlin Bicêtre, l’après-midi, en visite surprise à Marseille. Trois heures entre les deux, tout de même. Mais cela ne signifie nullement que le chef de l’Etat a choisi son camp. Il écoute les scientifiques mais c’est lui, le politique, qui tranchera.
Et que disent les images ?
D’abord, pas de photos des deux hommes côte-à-côte. On se serait peut-être demandé qui était le type en costume à côté de Raoult.
Les seules images furent l’arrivée et le départ du cortège présidentiel et trois heures de pied-de-grue devant l’IHU de Marseille, monument français désormais aussi connu à l’étranger que la tour Eiffel. Cette scène qu’on ne voit pas est une sorte d’adoubement. Mais c’est le président qui vient se faire adouber par le savant.
En s’adressant directement à l’opinion, Raoult est devenu un phénomène politique. Des élus vantent son traitement comme d’autres people des lunettes - quid du secret médical ? Ensuite, il est numéro deux dans le baromètre Odoxa des personnalités politiques préférées des Français. Derrière Sainte-Roselyne Bachelot. Pour Macron, est donc une sorte de rival mimétique.
Raoult aurait des ambitions politiques ?
Absolument pas, à part celle de changer le cours de l’Histoire.
Certains voient en lui un gilet jaune d’élite, Onfray y voit l’archétype du grand homme. Raoult est à la fois un soldat d’élite et un dissident. Contre les prudents, il croit à l’impossible. La comparaison avec De Gaulle est tentante. Mais ce n’est pas une guerre. Tous les médecins auront sauvé et perdu des vies.
Raoult n’est pas seulement un chercheur. C’est un médecin, et à l’évidence un grand médecin. Si on dit que la médecine est un art, c’est que tout ne marche pas à coups de statistiques et d’études calibrées, il y a une part d’intuition, de création, sans doute de génie.
Avec le phénomène Raoult, on découvre que la médecine est aussi en train de devenir une religion qui concurrence la politique dans la mobilisation des affects et des croyances populaires. Ce que résume très bien un dessin de Sempé sur lequel une dame prie : “mon Dieu, je crois tellement en vous que j’ai envie de vous appeler docteur.”