Retrouvez le regard libre d'Elisabeth Lévy chaque matin à 8h15 sur sudradio.fr.
Vous avez bien sûr regardé Emmanuel Macron ?
Le président veut encore “serrer la vis” annonçait le Journal du Dimanche.
Et puis non. Après les maires fouettards dont nous avons parlé ici, le président a joué les pères poules de la nation. Il nous aime tous, même les journalistes. D’ailleurs, il n’est pas meilleur que nous.
Tout le monde a salué l’empathie, l’humilité, l’humanité. Un peu trop de sentimentalité dans les remerciements. Et puis, comme toujours, on se laisse griser, il mêle les détails aux envolées sur tout que nous rebâtirons : la France, l’Europe, l’Afrique, le monde. Si bien qu’à la fin, on ne sait plus de quoi il parle.
Il a tout de même fait une annonce claire ?
Oui, une date. Nous pouvons tracer des bâtonnets sur les murs de nos cellules. Et une nouvelle surprenante, la réouverture des écoles. Qui a évidemment fait râler la FCPE (fédération des conseils de parents d'élèves) et les syndicats de profs. Curieusement, il va y avoir un parti du confinement.
Pour le reste, le président nous a dit la vérité : c’est seulement le tout début de la fin et nous n’avons pas de plan pour la suite. Il ignore comment nous arriverons à cette fameuse immunité collective. Les enfants, les parents et les professeurs sont-ils notre avant-garde immunitaire ? Il ne l’a pas dit. Mais il a ouvert une perspective effrayante : celle d’un traitement différencié des populations à risque. Va-t-on demander aux vieux, aux cardiaques et aux obèses de rester chez eux, pour leur bien ?
En attendant, nous devons nous en remettre à ce que Vincent Trémolet de Villers appelle “la trinité salutaire” : test, masques, traitements. Si le 11 mai, les millions de masques et de tests promis ne sont pas là, la parole présidentielle ne vaudra plus grand-chose.
Cependant, le président a complètement changé de logiciel politique.
Oui, l’épidémie a été son chemin de Damas, il va se réinventer. Le représentant des élites mondialisées renaît en apôtre de la planification étatique, le premier de la classe est devenu un gilet jaune. Il a compris ce que notre société devait aux gens de peu, au humbles, aux invisibles. Il annonce une révolution sociale, placée sous l’étendard du Conseil national de la Résistance : “les jours heureux”.
Emmanuel Macron joue les pères Noël, face à un pays atone, apeuré, virtualisé. Il nous rêve solidaires, déterminés, unis dans l’épreuve. On a plutôt peur d’assister, à l’issue de tout cela, à un festival de ressentiment.
Alors, on a envie de croire aux lendemains qui chantent, au monde plus juste annoncé par le “nouveau Macron” mais hier, celui-ci semblait un peu seul sur son rond-point.