Le procès d'un chasseur de 81 ans s'est ouvert mardi devant le tribunal correctionnel de Foix où il est accusé d'avoir abattu une ourse qui venait de l'attaquer, lors d'une battue au sanglier dans les Pyrénées.
"Ce n'est pas le procès des anti-ours ou des pro-ours, ni des pro-chasse ou des anti-chasse", a d'emblée prévenu la présidente du tribunal Sun Yung Lazare.
Le principal prévenu est jugé pour "destruction d'espèce protégée", l'ours étant une espèce en voie d'extinction dans le massif pyrénéen, malgré un programme de restauration de la population initié dans les années 1990.
Quinze autres chasseurs ayant également participé à la battue sont poursuivis pour diverses infractions, notamment chasse dans une zone interdite, la réserve naturelle du Mont-Valier, sur les hauteurs du village de Seix.
- Confusion sur les limites -
"La limite est mal marquée (…) on ne sait jamais vraiment où on est", s'est défendu à la barre l'un des deux responsables de la battue, interrogé par la présidente.
"Votre obligation de chasseur est de savoir où vous chassez", a rétorqué le procureur Olivier Mouysset. L’enquête a mis en évidence que le plantigrade a été tué à 400 mètres à l’extérieur de la zone de chasse autorisée.
La consigne - rappelée ce jour-là "comme à chaque fois" - est d’arrêter la chasse en cas de présence de l'ours, a ajouté l'autre chef de battue. Mais les chasseurs n'avaient pas connaissance de la présence de l’ours "à cet endroit-là".

Un ours brun près de Melles dans les Pyrénées françaises le 4 juin 2020
- - Pays de l'Ours/AFP
Ce 20 novembre 2021, en début d’après-midi, près du Rocher de l'aigle, dans une zone difficile d'accès à 1.300 m d'altitude, deux oursons sortent d’un bois, devant le chasseur stupéfait. Puis leur mère apparaît et le charge, le blessant aux jambes et le traînant sur plusieurs mètres.
Le blessé en état de choc a été secouru par une chasseuse, également pompier volontaire, qui a réussi à contenir une hémorragie et à donner l’alerte, pour qu'il soit héliporté depuis une clairière, puis hospitalisé.
La défense des prévenus a insisté mardi sur le mauvais état des panneaux annonçant les limites de la réserve. "Dans l'ordonnance de renvoi, un agent de l'OFB a qualifié de +biscornue+ la signalisation", plaide l’avocat de la défense Charles Lagier.
Sur le fond du dossier, "j’ai des doutes sur la légalité de la réserve", a dit cet avocat spécialiste de la chasse.
- Contexte tendu -
L’affaire a fait des remous en Ariège, où des chasseurs avaient manifesté devant la gendarmerie de Saint-Girons, durant les gardes à vue des prévenus.
Dans la salle d'audience, au fil des interrogatoires, le public soupire et s'agace quand le procureur ou les avocats de la partie civile mettent les chasseurs en difficulté.
Il "était en état de légitime défense, il a tiré. Il aurait dû la laisser faire? Non, il a sauvé sa peau", a déclaré avant le procès Jean-Luc Fernandez, président de la fédération de chasse de l'Ariège.
Une vingtaine d'associations se sont portées partie civile, dont Pays de l'ours, Ferus, France nature environnement, l'Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), One Voice.

Philippe Lacube le 4 juillet 2020 à Aulus-le-Bains
GEORGES GOBET - AFP/Archives
Le fait que la chasse était fréquente dans cette zone "n'enlève rien à la caractérisation du délit". "Nombre des pièces du dossier démontrent une connaissance des limites de la réserve, avec des marquages sur les arbres", a souligné, avant le procès, Julie Rover, avocate de 12 associations.
"Les parties civiles veulent faire passer un message. Elles ne sont pas opposées à la chasse, mais pour qu'elle ne nuise pas à l'environnement, il faut faire respecter ses règles", a-t-elle dit. "Les ours sont menacés d'extinction, la disparition d'une femelle reproductrice, c'est grave et préjudiciable" pour la survie de l'espèce.
Le procès doit durer jusqu'à mercredi, la décision devrait être mise en délibéré.
Par Alexandre PEYRILLE / Foix (France) (AFP) / © 2025 AFP