Propos recueillis par Grâce Leplat pour Sud Radio
Dès aujourd'hui, les pharmacies parisiennes distribuent un masque en tissu gratuit à chaque Parisien. Au total, 2,2 millions de masques réutilisables sont promis par la maire de Paris, Anne Hidalgo. Seulement, les pharmaciens n'ont pas attendu le manque de réactivité des autorités pour s'approvisionner. Pierre, pharmacien parisien, distribue - illégalement - des masques gratuits depuis le début du confinement.
"Comment se fait-il que ce ne soit pas la grande distribution qui les donnent gratuitement ? Pourquoi demander aux pharmaciens de les donner encore gratuitement ? Pourquoi toujours demander aux mêmes personnes de faire un travail gratuit face à l'incompétence qu'il y a eu ? On (les pharmaciens, ndlr) n'avait pas le droit de les distribuer, de les donner et de les vendre. Qu'on nous ait pris, nous les pharmaciens, pour des moins-que-rien, des abrutis, pendantout la crise, c'est assez difficile à accepter..."
Dans le Grand Matin Sud Radio, Anne-Marie, pharmacien d’officine dans l’Essonne, partageait le même dégoût que son confrère face à la situation. "Les 15 premiers jours, on s’est sentis très esseulés dans nos officines. Et puis, dans les médias on a beaucoup parlé des médecins et infirmiers, ce qui sont en première ligne. On a aussi parlé des caissiers, des éboueurs mais jamais de pharmaciens, ça nous a blessé énormément".
"Nos patients ne savent pas ce qu’ils doivent penser, ils sont isolés, perdus"
"Au début de l’épidémie on a été submergé de demandes, avec des patients qu’on connaît très bien puisqu’ils sont du quartier. Donc ils peuvent se confier, ils annoncent tout ce qu’ils ont sur le cœur, ils sont effrayés, ils sont démunis, ils ne savent pas ce qu’ils doivent penser, ils sont isolés, ils ne voient plus leurs familles, les grands-parents regrettent les petits-enfants, ils sont perdus.
Il y a eu des tensions car au début c’était une lassitude par rapport à la santé, par rapport à la maladie. Après ils ont eu peur et ils ont voulu se protéger, ils ont commencé à voir des masques chez des personnes dans la rue. On leur disait que des masques, on n’en avait pas pour le grand public, qu’ils étaient réservés aux professionnels de santé", a raconté Anne-Marie.
"On est passés pour des non-gestionnaires, des impuissants"
"On a réclamé très tôt le droit de délivrer ces masques, on était dans un refus total car la dotation de l’État était réservée aux professionnels de santé. On a refusé des masques à des gens qui avaient des maladies chroniques. On avait des désarrois en face, et on ne pouvait rien faire.
On en délivre depuis très peu parce qu’il a fallu attend le décret pour nous autoriser à en délivrer au grand public. Le décret est tombé dimanche, on a annoncé ça dans les médias, tout le monde a cru qu’il y aurait des masques dans les pharmacies dès lundi. Pendant un mois et demi on a dit non, puis, quand on était censés en avoir, on a répondu : ‘on ne les a pas encore’. On est passés pour des non-gestionnaires, des impuissants. Donc, après le désarroi on avait la colère des patients qui attendaient et qui ne pouvaient pas être fournis", a poursuivi Anne-Marie.
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