Un doudou en forme de croissant, de fraise ou de doughnut: les peluches régressives cartonnent auprès des adolescents et jeunes adultes, une clientèle rentable et bienvenue pour un marché du jouet qui subit de plein fouet la baisse de la natalité.
Raisons de cet engouement? La nostalgie de l'enfance, la "recherche de bien-être" et l'envie de "se faire plaisir", sans oublier des photos et vidéos "bien mises en avant par les jeunes" sur les réseaux sociaux comme TikTok, résume à l'AFP Frédérique Tutt, analyste du marché du jouet pour le cabinet Circana.
Lors des douze derniers mois en France, les achats destinés à des consommateurs âgés de 12 ans et plus - catégorie baptisée "kidultes" - ont représenté 29% du chiffre d'affaires total des jeux et jouets, du jamais vu pour ce marché.
Et à elles seules, les ventes de peluches ont bondi de 14% sur la même période, pour atteindre 50 millions d'euros, dans un marché du jouet globalement peu dynamique, détaille Mme Tutt.
"La peluche ce n'est pas que pour les enfants! Aujourd'hui il n'y a plus du tout de honte et c'est totalement assumé, c'était moins le cas avant", analyse Sandra Callahan, directrice générale de Gipsy Toys, créateur et distributeur français de peluches.
Pour ce Noël, elle mise particulièrement sur le succès de la gamme "Little Corgi Cuties", des petits chiens en peluche de race corgi qui peuvent être accompagnés au choix par un doughnut, un burger, une fraise ou encore une boisson bubble tea.
"Ce qui est aussi très tendance dans la peluche, c'est le +food+ (la nourriture, NDLR)", relève Mme Callahan.
Preuve de l'emballement pour les doudous représentant fruits, légumes ou gâteaux, les ventes de la marque britannique Jellycat, ont quasiment été multipliées par quatre depuis 2019 et ont frôlé les 200 millions de livres sterling en 2023.
Cet été, Jellycat a inauguré à Paris une "pâtisserie" entièrement garnie de peluches macarons, tartes aux fraises ou cannelés installée dans l'enseigne de jouets FAO Schwarz, au cinquième étage des Galeries Lafayette Haussmann.
L'afflux de visiteurs a été tel que le "corner" a dû fermer plusieurs jours avant de rouvrir avec un stock suffisant.
Trois semaines avant Noël, la "pâtisserie" ne désemplit pas: devant le comptoir, Lisa, jeune londonienne de 12 ans, supplie sa mère: "Je veux une tarte aux fraises!", tandis que sa soeur aînée serre dans ses bras un doudou-baguette, orné d'un large sourire brodé et de petites jambes qui pendent.
- Positionnement "luxe" -
Une des vendeuses, Cassandra, explique à l'AFP que "le macaron rose est notre meilleure vente.
Le weekend, il peut y avoir plus d'une demie heure de queue: les clients, plutôt étrangers et asiatiques, savent exactement ce qu'ils veulent et filment leur achat pour ensuite poster la vidéo sur les réseaux sociaux".
Pincette à la main, elle saisit dans la vitrine une simili-tarte au citron, fait semblant de la napper de chantilly à l'aide d'une poche à douilles vide, puis l'emballe tel un véritable gâteau dans une élégante boîte en carton bleu, le tout pour 40 euros.
Un positionnement "luxe" revendiqué par Jellycat, qui ne communique pas le nombre de peluches vendues dans les 80 pays où il est présent mais souligne que ses créations "séduisent des fans de tous âges" et "notamment la génération Z (née après 2000, NDLR) et les millenials (nés après 1980, NDLR) grâce à leur approche humoristique des objets inanimés".
"Le +kawaï+" - qui signifie mignon ou adorable en japonais - "ce n'est pas nouveau, ce sont des modes" mais "Jellycat est en train d'exploser et ça fait progresser toute la catégorie des peluches, ça tire le marché", estime pour sa part Alain Joly, président de la marque française spécialisée Doudou et Compagnie.
Il met en avant le fait que la peluche a bénéficié "d'un marché de naissance incroyable pendant vingt ans, et cela a mis sous l'étouffoir cette possibilité qu'a ce produit de séduire toutes les générations. On a vraiment tiré ce marché vers le bébé mais là, avec 170.000 naissances en moins par an, c'est forcément kidulte, kidulte, kidulte...", résume-t-il.
Par Katia DOLMADJIAN / Paris (AFP) / © 2024 AFP