Propos recueillis par Clément Bargain pour Sud Radio.
De nombreux patients atteints du cancer sont dans le flou total. Leur traitement devient trop souvent négligé du fait de la déprogrammation de nombreux actes médicaux. En raison de la saturation des hôpitaux, des chirurgies sont repoussées, des traitements modifiés. Et les malades du cancer se sentent parfois abandonnés, en plus de la peur de voir leurs chances de guérison diminuer.
Laure ne décolère pas. Son mari est atteint d'un cancer du colon qui s'est répandu aux intestins. Celui-ci devait subir une opération chirurgicale début avril... Mais à cause du covid-19...
« Tous les blocs opératoires ont été réquisitionnés pour le coronavirus. Mon mari ne pouvait plus être opéré pour avoir une chimiothérapie implantable dans le ventre et qui allait attaquer directement les cellules » s’indigne Laure, femme d’Olivier.
Les protocoles de soins ont de fait été modifiés. En attendant de pouvoir être opéré, le mari de Laure, Olivier, bénéficie d'une chimiothérapie globale en lieu et place d’une opération ciblée, réputée plus efficace pourtant.
Laure poursuit ce coup de gueule. « Empêcher la maladie d’évoluer mais pas de la soigner, je ne sais pas ce que vous imaginez, psychologiquement, ce que c’est que d’avoir un cancer et qu’on ne vous l’enlève pas tout de suite ».
L'inquiétude gagne aussi Olivier qui craint que son état de santé ne se détériore.
« Mon cancer, lui, ne reste pas confiné à mes intestins seulement. S’il attaque mon foie ou mes poumons, je pense que là je n’en ai pas pour longtemps ». La phrase d’Olivier est choc mais foncièrement pragmatique.
Un mal pour le bien des patients cancéreux ?
Pour le professeur Axel Khan, le président de la Ligue contre le cancer, les opérations ont été reportées pour protéger les patients avant tout du Covid-19.
« D’une part, le but est de ne pas faire perdre de chances aux malades en traitement contre le cancer et en même temps ne pas leur faire prendre non plus le risque d’une contamination par Covid-19 à laquelle ils sont plus sensibles » explique le professeur Kahn.
Des retards de soins qui perturbent le dépistages, attention aux "conséquences néfastes"
Seulement, ces allégements thérapeutiques ne peuvent plus durer. Pour le professeur Kahn, toujours, il faut que les protocoles de soins reprennent d'ici le mois de juillet. Beaucoup de retard a été accumulé ces dernières semaines dans la prise en charge des malades cancéreux mais aussi – et surtout – dans le dépistage, pourtant crucial.
« Il va y avoir une telle demande pour rattraper le temps perdu, une fois que la pandémie de coronavirus sera en régression, que là encore il y aura un peu de difficultés pour recevoir tout le monde, faire toutes les cures, mettre sur table opératoire tous ceux qui doivent être opérés. Ce qui est d’autant plus inquiétant, c’est le retard au diagnostic et au dépistage. Et ce retard pourrait avoir plus de conséquences néfastes que le retard au traitement d’un cancer déjà détecté et dont on a déterminé le protocole thérapeutique ».