Élisabeth Lévy a regardé le débat, ce jeudi, entre Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon. Alors qui a gagné ?
D’abord, l’esprit des Lumières. Malgré les grandes âmes qui braillaient qu’on ne débat pas avec l’extrême droite en agitant des gousses d’ail, ils ont réussi à échanger, à peu près courtoisement. Jean-Luc Mélenchon a bien brandi son raciste et son zemmouristan, bref les caricatures habituelles. Zemmour ne l’a pas trop (pas assez) cherché sur «l'islamo-gauchiste» ou le mouvement woke. Les audiences ? Plus d’un million de vues sur YouTube, c'est historique parait-il.
C'était un brin décevant cependant. Il fallait tenir la moyenne, donc on passait à un sujet sans avoir épuisé le précédent. Ceux qui suivent le débat public n’ont pas appris grand-chose. Chacun a déroulé son point de vue mais aucun n’a bougé d’un iota.
Sur les réseaux, chacun célèbre la victoire de son champion. Biais cognitif.
Sur le fond, vous avez bien une opinion ?
Moi aussi, j’ai un biais cognitif.
Il y a deux visions de la France et de la menace, pas deux projets. Ce n'est pas un débat présidentiel. Le diagnostic est plus intéressant que les solutions où ils sont restés à un grand niveau de généralité, sinon d’abstraction. Par exemple, Zemmour dit "assimilation", Mélenchon dit "protectionnisme". Ils incarnent rarement leurs idées par des récits. Cela manque de pantalons et de téléphones (dixit Gombrowicz).
Mélenchon est plus à l’aise, plus souriant. Bref, souvent plus sympathique alors que Zemmour est plus cassant.
Le réel est du côté de Zemmour. Le discours de Mélenchon sur la créolisation heureuse est totalement hors-sol. Sur le séparatisme, le choc des cultures, le déni est sidérant. La tirade est ridicule sur les armées de sachants qui vont fabriquer des hydroliennes.
Mais là où la lucidité/pessimisme de Zemmour peut effrayer, le lyrisme à deux balles de Mélenchon sur le mode nous sommes tous frères, peut séduire. Miroir attirant : si je pense comme lui, c’est que je fais partie des gentils.
Et sinon... ras le Bol des facts-checkers. Les prétendus détenteurs d’une vérité pêchée sur wikipedia. Mais qui va checker les facts-checkers ?