L'ancien PDG de Casino Jean-Charles Naouri sera jugé à Paris en octobre pour manipulation de cours et corruption, soupçonné d'avoir manœuvré pour maintenir artificiellement le cours de l'action de son entreprise en 2018 et 2019, ce qu'il conteste.
Le procès devrait se tenir devant le tribunal correctionnel de Paris du 1er au 16 octobre, a appris l'AFP jeudi de source judiciaire, précisant que les citations des personnes prévenues étaient en cours.
La société Casino Guichard Perrachon, qui a changé de mains en 2024, est également citée devant le tribunal, pour manipulation de cours en bande organisée et corruption privée active.
Contactée par l'AFP, l'entreprise a indiqué que "la nouvelle gouvernance ne commente pas des faits antérieurs à son arrivée". Casino a en effet changé de main depuis les faits reprochés, tombant en 2024 dans l'escarcelle du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky au terme d'une restructuration spectaculaire de sa dette, devenue insoutenable.
M. Naouri, premier actionnaire et patron du groupe pendant plusieurs décennies, l'avait en effet fait grossir à coup d'acquisitions financées par de l'endettement.
Trois anciens hauts cadres de l'entreprise seront également jugés pour les mêmes infractions. Parmi eux, l'ancien directeur de la communication comparaitra en plus pour délit d'initié.
L'éditeur de presse Nicolas Miguet devra répondre de manipulation de cours en bande organisée, corruption privée passive, blanchiment de cette corruption et délit d'initié.
- "Feuilleton manipulatoire" -
Dans leur note aux fins de poursuites datée du 20 décembre 2024 et dont l'AFP a eu connaissance, les magistrats du parquet national financier (PNF) pointent une manipulation de cours "orchestrée par Casino" de septembre 2018 à juin 2019, et l'"intention frauduleuse des dirigeants et cadres de Casino ainsi que de Nicolas Miguet dans la diffusion de leur +feuilleton manipulatoire+."
Sous couvert d'une convention de prestations de conseils, d'environ 800.000 euros, Nicolas Miguet aurait utilisé ses différents canaux de diffusion pour défendre le cours de Bourse de l'entreprise, notamment auprès d'actionnaires individuels. Ce, sans informer son public de ses liens financiers avec le groupe, selon le ministère public.
"C'est abracadabrantesque, car quelle personne raisonnable peut imaginer qu'il y a eu possibilité de manipulation de cours via un petit journal style Hebdo Bourseplus?", une de ses publications, a-t-il réagi auprès de l'AFP.
A cette époque, Casino était sous le feu d'analystes financiers s'inquiétant de sa solvabilité et était pressé par les marchés de réduire son endettement. Début septembre 2018, l'action Casino était tombée au plus bas jusqu'alors, autour de 25 euros.
M. Naouri "conteste vigoureusement l'interprétation du PNF et aura l'occasion de s'en expliquer devant le tribunal, l'enquête ayant été parcellaire et ayant volontairement/artificiellement occulté les attaques spéculatives virulentes auxquelles a dû faire face durant cette période" l'entreprise, soutiennent dans un communiqué ses avocats, Mes Olivier Baratelli, Nicolas Huc-Morel et Marie-Aix Canut-Bernard, qualifiant les poursuites de "fantaisistes".
Pour eux, "ce contexte exceptionnel (...) a parfaitement justifié" que les dirigeants de Casino "aient souhaité que l'entreprise s'entoure de professionnels compétents dans leurs domaines respectifs" dans le but de "protéger tout simplement l'intérêt social du groupe".
La défense de M. Naouri a déposé une plainte avec constitution de partie civile en juillet 2024, pour qu'un juge d'instruction enquête sur les vendeurs à découvert.
Parmi eux, le fonds américain Muddy Waters, qui avait mis en lumière en 2015 les fragilités d'un groupe très endetté.
Alexandre Bompard, PDG du concurrent Carrefour depuis 2017, et Matthieu Pigasse, alors chez Lazard, banque qui conseillait Carrefour, ont été entendus en tant que témoins au cours de l'enquête en octobre 2024, à la demande de la défense de M. Naouri, selon la note aux fins de poursuites. Ils ont été interrogés sur une éventuelle tentative de rapprochement entre Carrefour et Casino en septembre 2018.
A cette période, Nicolas Miguet conseillait de vendre des titres Carrefour et d'acheter des titres Casino.
Une audience de mise en état est fixée au 28 avril en vue du procès.
Par Julia PAVESI / Paris (AFP) / © 2025 AFP