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Livraisons de repas: deux ex-dirigeants de Frichti seront jugés à Paris pour travail dissimulé et emploi illégal d'étrangers

Après Deliveroo et Take Eat Easy, un nouvel acteur de la livraison rapide au tribunal: la société Frichti, en liquidation judiciaire, et ses deux anciens dirigeants seront jugés en novembre à Paris pour travail dissimulé et emploi illégal d'étrangers, au préjudice de très nombreux ex-livreurs.

JOEL SAGET - AFP/Archives

Après Deliveroo et Take Eat Easy, un nouvel acteur de la livraison rapide au tribunal: la société Frichti, en liquidation judiciaire, et ses deux anciens dirigeants seront jugés en novembre à Paris pour travail dissimulé et emploi illégal d'étrangers, au préjudice de très nombreux ex-livreurs.

Selon des sources proches du dossier jeudi à l'AFP, Julia Bijaoui, 36 ans, et Quentin Vacher, 38 ans, respectivement ex-présidente et ex-directeur général de Frichti, qu'ils ont revendu en mars 2022, ont été formellement cités à comparaître le 15 janvier pour une audience correctionnelle prévue du 13 au 21 novembre.

"Nos clients contestent toute infraction et sont dans l’incompréhension", d'autant qu'"aucun texte, ni aucune décision de justice n’interdisait le recours à des travailleurs indépendants", ont assuré jeudi à l'AFP leurs avocats, Mes Mathias Chichportich et Jérémy Gutkès.

D'après leurs conseils, "ils sont déterminés à faire valoir leur bonne foi et leur innocence".

D'après la source proche du dossier, il est reproché aux deux prévenus d'avoir "recouru" entre 2015 et mi-2021 "à des sociétés sous-traitantes ou à des travailleurs sous statut d'indépendants", au moins une cinquantaine, "placés dans un lien de subornation juridique".

Les deux ex-dirigeants seront aussi jugés pour emploi illégal d'étrangers s'agissant d'au moins une trentaine de livreurs, en large part sénégalais ou ivoiriens.

Des livreurs de la société Frichti, parmi lesquels des étrangers sans-papiers, manifestent le 8 juin 2020 à Paris pour demander leur réintégration et la régularisation de leur situation

Des livreurs de la société Frichti, parmi lesquels des étrangers sans-papiers, manifestent le 8 juin 2020 à Paris pour demander leur réintégration et la régularisation de leur situation

FRANCOIS GUILLOT - AFP/Archives

Selon des éléments de l'enquête auxquels l'AFP a eu accès, confiée par le parquet de Paris à la Brigade de répression de la délinquance à la personne (BRDP) et à l'Inspection du travail, les investigations ont montré que "le livreur ne choisissait pas ses clients, le tarif de facturation lui était imposé et il ne pouvait pas organiser son parcours comme il le souhaitait".

L'enquête a aussi mis au jour un possible "système de sanction" pour les livreurs jugés non-fiables.

Lors d'une audition en mai 2022, Julia Bijaoui avait assuré n'avoir "jamais eu l'intention d'enfreindre la loi", affirmant n'avoir "pas conscience" au début de l'aventure Frichti "de ces éléments".

"Frichti n’est pas une plateforme de livraison" ou une "application de mise en relation" mais "une société dans laquelle des centaines de salariés ont développé des recettes, ont cuisiné et préparé des commandes", ont argué Mes Chichportich et Gutkès.

"La livraison ne représentait que 5% du chiffre d’affaires de l’entreprise", ont-ils ajouté.

- Livreurs "sans-papiers" -

En 2022, l'Urssaf avait évalué dans un rapport son préjudice à près de 3 millions d'euros de charges et cotisations sociales éludées pour les années 2019 et 2020.

"Les faits reprochés sont parmi les pires dans ce type de dossiers", a asséné de son côté Me Kevin Mention, avocat des livreurs interrogé par l'AFP, qui rappelle la centaine de procédures engagées aux prud'hommes.

"La grande majorité de ces coursiers étaient des sans-papiers, qui ont pour la plupart été remerciés lorsque ça a commencé à fuiter dans les médias", a-t-il dénoncé, assurant que les faits se sont perpétués après 2021, fin de la période visée par l'enquête.

Jérôme Pimot, du collectif des livreurs autonomes des plateformes (Clap), espère que cette audience fasse office de "gros signal à toutes les plateformes qui emploient des sans-papiers sur le compte de l'auto-entrepreneuriat, afin qu'elles puissent les régulariser, et non les licencier."

Après une arrivée en fanfare sur fond de confinements liés à la pandémie de Covid-19, les acteurs du "quick commerce" s'étaient entredéchirés dans une bataille concurrentielle féroce.

En mars 2023, une réglementation très contraignante a porté un coup d'arrêt aux acteurs survivants du secteur.

Suite à cette décision, Frichti, revendue en mars 2022 par le duo Bijaoui-Vacher à l'Allemand Gorillas, avait été placée en redressement judiciaire.

Le groupe La Belle Vie a repris l'activité de Frichti en septembre 2023, mais en créant une nouvelle entité, ce qui leur a permis de ne pas hériter du lourd passif de la société historique, en liquidation judiciaire.

Très contesté, le statut d'indépendant des coursiers est en outre remis en cause dans de nombreux pays par la justice.

Un accord politique a été trouvé en mars par les pays de l'UE, sans la France et l'Allemagne, pour renforcer les droits des travailleurs des plateformes numériques.

Par Guillaume DAUDIN / Paris (AFP) / © 2025 AFP

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