Les députés ont poursuivi lundi soir l’examen en commission du projet de loi d’urgence pour la reconstruction de Mayotte, avec en toile de fond des débats, la sensible question migratoire, pourtant mise de côté dans ce premier texte du gouvernement de François Bayrou.
Le projet de loi vise à accélérer les règles et les procédures en matière d'urbanisme pour permettre la reconstruction rapide de l'archipel dévasté par le cyclone Chido mi-décembre. Il contient aussi des mesures sociales plus temporaires.
L'Assemblée se penche dessus au lendemain du passage de la tempête tropicale Dikeledi à une centaine de kilomètres du département français qui a provoqué des inondations.
Jugé insuffisant par beaucoup, le texte devrait être adopté sans difficulté, alors qu'aucun des 22 articles n'aborde directement la question de l'immigration, remise à plus tard, dans une loi "programme" annoncée par le gouvernement dans les deux mois.
Et pourtant, elle a occupé une place centrale lors de l'examen du texte devant la commission des Affaires économiques, qui s'est poursuivi jusqu'à minuit, et doit reprendre mardi.
Le ministre des outre-mer, Manuel Valls, qui faisait à cette occasion son grand retour dans le chaudron parlementaire, lui a donné une place de choix, lors de son audition.
"Nous avons cet après-midi un mandat clair, celui de poser les premières pierres de (la) refondation" de Mayotte, a-t-il dit.
"Ce projet de loi est une réponse incontournable. Mais il n'est qu'une première réponse", selon le ministre, qui a martelé que "la lutte contre l'immigration clandestine" constituera un "volet primordial" du prochain texte.
- "un projet bancal" -
Il a ainsi listé plusieurs "mesures fermes": comme allonger la durée de résidence des parents pour l'accès de leurs enfants à la nationalité française ou encore accélérer le retour des ressortissants africains dans leur pays d'origine.
Nommée rapporteure du projet de loi, la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (Liot) a jugé sévèrement un texte "sans réelle ambition", élaboré "sans consultation avec les élus locaux ni les parlementaires", et qui "reste largement muet sur des sujets essentiels tels que l'immigration".
"Nous avons tous, nous les élus locaux et parlementaires mahorais, demandé en vain la destruction des bidonvilles, mais aussi la suspension des délivrances des titres de séjour et demandes d'asile dans notre département", a-t-elle regretté.
L'ancienne ministre écologiste de l'Environnement Dominique Voynet, qui a été directrice de l'Agence régionale de santé de Mayotte de 2019 à 2021, a fustigé un "projet bancal", regrettant notamment qu'il n'y ait "pas un mot" sur les "moyens déployés pour mener à bien la réhabilitation des installations de production d'eau et de distribution".
Au cours de l'examen, les députés ont donné au gouvernement le pouvoir de mettre en place un opérateur "unique et puissant", selon les mots du ministre, pour mener à bien la reconstruction de Mayotte, sur le modèle de celui mis en place pour Notre-Dame de Paris.
Les députés ont aussi adopté un article permettant à l'Etat de déroger à certaines règles de construction pour "accélérer la reconstruction". Ils l'ont toutefois modifié pour veiller au plus grand respect des normes sanitaires et d'accessibilité.
Concernant les écoles, durement touchées, un article, permettant à l'Etat d'assurer leur construction, reconstruction ou rénovation en lieu et place des collectivités locales jusqu'au 31 décembre 2027, a été voté.
- Nouvelles écoles -
Les discussions, dans l'ensemble feutrées, ont parfois prises une tournure inattendue, dérivant inlassablement vers le thème de l'immigration.
Comme cet amendement de Mme Youssouffa visant à soumettre la construction d'une nouvelle école à l'accord exprès de la commune, adoptée avec derrière, la volonté assumée d'empêcher l'ouverture de classes supplémentaires à Mayotte, qui n'ont "fait qu'augmenter les arrivées d'enfants" envoyés "par des parents comoriens" pour les scolariser, selon elle.
Un autre amendement de la rapporteure visant à encadrer la vente de tôle a été adoptée malgré l'opposition de députés de gauche.
Pour acheter de la tôle, un particulier devra désormais fournir des justificatifs, afin d'exclure l'utilisation de ces tôles pour l'habitat informel. Mme Youssouffa a notamment souligné que durant le cyclone, les tôles arrachés "sont devenues des projectiles".
Un argument balayé par Mme Voynet: "Est-ce que les tôles vendues à des Français risquent moins de s'envoler et de blesser que les tôles qui seraient posées sur" les habitats précaires dans les quartiers d'immigrés ? a lancé d'un ton acerbe la députée, disant y voir une "mesure choquante".
L'examen du texte doit reprendre et aller son terme mardi, avant un examen dans l'hémicycle le 20 janvier. Le Sénat prévoit de s'en emparer le 3 février.
Par Camille MALPLAT, Stéphanie LEROUGE / Paris (AFP) / © 2025 AFP