"L'ourse m'a attaqué". Le chasseur jugé pour avoir abattu une femelle plantigrade, espèce protégée, lors d'une battue au sanglier dans les Pyrénées, s'est défendu mardi, assurant au tribunal ne pas avoir eu d'autre choix que de tirer.
"Elle m'a attrapé la cuisse gauche, j'ai paniqué et j'ai tiré un coup de carabine. Elle a reculé en grognant, elle m'a contourné et m'a mordu le mollet droit, je suis tombé, elle me bouffait la jambe, j'ai réarmé ma carabine et j'ai tiré. Elle est morte cinq mètres plus bas", a déclaré le prévenu, aujourd'hui âgé de 81 ans.
Au premier jour de son procès devant le tribunal correctionnel de Foix, le chasseur, qui avait été grièvement blessé par l'ourse Caramelles, a raconté avoir vu dans sa lunette deux oursons sortir du bois alors qu'il se trouvait en position de tir au cours de la battue.
"Je les ai regardés avec admiration. (...) Je me suis fait tout petit. Puis la mère m'a vu. Nos regards se sont croisés, elle a chargé", a-t-il déclaré à la présidente du tribunal qui lui demandait de résumer la scène de ce 20 novembre 2021.
- Battue interdite -
L'octogénaire est jugé pour chasse dans une zone interdite et "destruction d'espèce protégée", l'ours étant en voie d'extinction dans le massif pyrénéen, malgré un programme de restauration de la population initié dans les années 1990.
Était-il au courant "de la présence de l'ours dans le secteur"?, lui demande Julie Rover, avocate d'associations écologistes constituées partie civile.
"Dans ce secteur (où nous chassons), non. Dans la réserve, oui", répond le prévenu.
Un autre avocat de la partie civile, François Ruffier, pointe le risque de cette méthode de chasse, dans une zone de présence potentielle de l'ours.
Quinze autres chasseurs ayant également participé à la battue sont poursuivis pour diverses infractions, notamment chasse non autorisée dans la réserve naturelle du Mont-Valier, une zone protégée.
"Ce n'est pas le procès des anti-ours ou des pro-ours, ni des pro-chasse ou des anti-chasse", avait dit en préambule la présidente du tribunal Sun Yung Lazare. Au sujet de l'interdiction, elle précise: "La chasse n'est pas interdite dans la réserve, elle est interdite en battue".
- Limite de la réserve -
Les chasseurs avaient-ils organisé la battue dans la réserve domaniale du Mont Valier ? La question est au centre des débats.
"La limite est mal marquée (…) on ne sait jamais vraiment où on est", s'est défendu à la barre l'un des deux responsables de la battue.
"Votre obligation de chasseur est de savoir où vous chassez", a rétorqué le procureur Olivier Mouysset. L’enquête a mis en évidence que le plantigrade a été tué à 400 mètres à l’extérieur de la zone de chasse autorisée.
Parmi les prévenus, un passionné de l'ours, chasseur-naturaliste, est intarissable. Selon lui, des battues se déroulent depuis 40 ans dans cette zone avec l'accord tacite de l'ONF.
Quant au face-à-face chasseur-ours, "c'est la meilleure chose qui soit arrivée pour l'avenir de l'ours dans les Pyrénées. Si un homme était mort, il y aurait une psychose dans les Pyrénées", estime-t-il.
L'ourse, ajoute-t-il, "aurait pu continuer son chemin avec ses oursons, mais elle a attaqué. La battue l'a manifestement dérangée".
Des photos diffusées à l'audience montrent une signalisation de la réserve à peine visible: des R pour "réserve" de couleur rouge sur fond blanc peints sur des arbres.
Une signalisation qualifiée de "biscornue" par un agent de l'Office français de la biodiversité (OFB), a plaidé l'avocat de la défense Charles Lagier, qui demande la relaxe des chasseurs.
"Les chasseurs avaient-ils été prévenus par l'OFB de la présence de l'ours dans la réserve? Jamais. Des agents de l'ONF leur ont-ils dit de cesser les battues? Non", martèle Me Lagier.
"Les explications des chasseurs restent floues, juge Me Rover. On se retranche en adressant des reproches aux institutions ONF et OFB".
"La chasse a été menée avec beaucoup de légèreté, avec des conséquences graves pour la faune sauvage comme pour l'intégrité des chasseurs. Et on a l'impression qu'aucune leçon n'a été tirée", regrette Me Rover.
Le procès se termine mercredi par le réquisitoire en fin de matinée et les plaidoiries de la défense l'après-midi. La décision devrait être mise en délibéré.
Par Alexandre PEYRILLE / Foix (France) (AFP) / © 2025 AFP