Luc Rémont, profil public-privé arrivé à la tête d'EDF en novembre 2022 pour redresser l'énergéticien et relancer sa production nucléaire, n'a pas réussi à convaincre l'Etat-actionnaire de le renouveler dans ses fonctions.
La nomination de cet ingénieur polytechnicien, successeur de Jean-Bernard Lévy rattrapé à 67 ans par la limite d'âge, avait coïncidé avec l'annonce du retour d'Electricité de France dans le giron des entreprises détenues à 100% par l'Etat.
Marin aguerri, amateur de régates, Luc Rémont - aujourd'hui âgé de 55 ans - a dû naviguer dans une voie étroite, en tâchant de défendre la "soutenabilité" d'EDF, tout en ménageant l'Etat-actionnaire.
"C'est peut-être la mission d'une vie", avait commenté lors de sa nomination M. Rémont, dont le parcours professionnel lui a permis de cumuler l'expérience des cabinets ministériels et du secteur privé.
Fort d'un début de carrière comme ingénieur à la délégation générale pour l'armement (DGA), il a ensuite intégré en 1996 le ministère des Finances où il a notamment été le directeur de cabinet adjoint du ministre de l'Economie et des Finances Thierry Breton, au moment de la privatisation partielle d'EDF.
Il a également oeuvré plus de huit ans chez l'équipementier électrique Schneider Electric après un passage à la Bank of America Merrill Lynch comme expert en fusions-acquisitions.
Dès son arrivée à la tête de l'énergéticien, Luc Rémont s'était retrouvé face à des chantiers titanesques, à commencer par la remise en ordre de marche du parc nucléaire français, dont près de la moitié des 56 réacteurs étaient alors à l'arrêt, pour des maintenances programmées ou des problèmes de corrosion avérés ou soupçonnés.
"Le principe qui est qu'on ne s'ennuie jamais à EDF s'est tout à fait vérifié", déclarait-il un an après sa nomination, en novembre 2023.
"On doit reconnaître qu'il agit auprès du gouvernement pour défendre les intérêts d'EDF, pour lui permettre de réussir les enjeux essentiels qui l'attendent et ainsi redonner à la France sa souveraineté et son indépendance énergétiques", avait relevé à l'époque une source syndicale à l'AFP.
- militaire de réserve -
Luc Rémont a en effet été sous pression constante de l'Etat - redevenu actionnaire unique du groupe en juin 2023 - pour faire monter en puissance la production nucléaire en construisant de nouveaux réacteurs et se conformer ainsi à la volonté élyséenne de relancer l'atome pour permettre la décarbonation de l'industrie par son électrification.
Dans cette optique, EDF devait doper ses investissements à un niveau "sans commune mesure" dans son histoire, avait prévenu Luc Rémont.
Pour y arriver, cet habitué des arcanes du pouvoir à l'air bonhomme n'a parfois pas hésité à monter au créneau face à l'Etat. Un conseil d'administration en septembre 2023 avait par exemple été le théâtre, selon une source interne d'EDF, d'une passe d'armes entre M. Rémont et une représentante de l'Etat.
Depuis plus d'un an, ses relations avec ses plus gros clients, les industriels français, s'étaient très fortement dégradées.
Critiqué pour des prix de l'électricité jugés trop élevés, il s'était aussi attiré les foudres de l'Etat soucieux d'éviter une désindustrialisation.
Luc Rémont avait cependant réussi à faire engranger à EDF un bénéfice record pour l'année 2024, dopé par la hausse de sa production nucléaire, permettant à l'État de toucher un dividende pour la première fois depuis plus de 10 ans, d'un montant de 2 milliards d'euros.
Fin 2023, plutôt que de "tensions" entre Luc Rémont et l'Etat, Gwenaël Plagne, secrétaire (CGT) du CSEC (comité social et économique central) de l'énergéticien avait préféré parler de "lobbying", soulignant la volonté du PDG "d'avoir plus les mains libres pour pouvoir vendre son électricité", face à un Etat qui se pose en garant du pouvoir d'achat des ménages et de la compétitivité des industriels.
Plusieurs sources syndicales louaient à cette époque la volonté de ce militaire de réserve de défendre les intérêts d'EDF, l'une d'elles pointant néanmoins du doigt un manque de partage d'information par M. Rémont au sein du groupe.
M. Plagne dépeignait cependant, comme d'autres représentants syndicaux, un dirigeant "plus ouvert" que son prédécesseur Jean-Bernard Lévy, au moins sur le plan du dialogue social.
Par Nicolas GUBERT, Nathalie ALONSO / Paris (AFP) / © 2025 AFP