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Madeleine Riffaud, 100 ans, achève ses mémoires de Résistance en BD

La résistante Madeleine Riffaud publie vendredi, jour de ses 100 ans, le troisième et dernier tome de ses mémoires de guerre en bande dessinée, où elle livre ce qu'elle n'avait "jamais" voulu dire avant.

JOEL SAGET - AFP/Archives

La résistante Madeleine Riffaud publie vendredi, jour de ses 100 ans, le troisième et dernier tome de ses mémoires de guerre en bande dessinée, où elle livre ce qu'elle n'avait "jamais" voulu dire avant.

C'est le 23 août 1924, dans un village de la Somme, Arvillers, qu'est née celle qui allait devenir "Rainer", son nom de combattante Francs-tireurs et Partisans (FTP).

La vieille dame habite toujours son appartement du Marais, à Paris, où elle reçoit encore des journalistes.

"Elle marche bien, cette BD", se réjouit son autrice, interrogée par l'AFP en juin.

Quant à l'anniversaire, Madeleine Riffaud ne voulait pas en faire une fête. "Oh non! Je veux même pas qu'on en parle. Sinon, ils vont tous me tomber dessus".

Le troisième tome de "Madeleine, résistante", avec Dominique Bertail au dessin, et Madeleine Riffaud et Jean-David Morvan au scénario, s'intitule "Les Nouilles à la tomate". Elle s'en souvient comme de l'un des délices de la Libération.

- "On en est malade" -

Mais avant cela, il a bien fallu retracer, pour son co-scénariste, des moments terribles entre les mains de la Gestapo. "Tome 3, je suis en taule. Je voulais pas lui parler des tortures. J'en parle jamais. Et puis, cet animal, il m'a dit: mais si parles-en! Ah ben ça... on en est malade tous les deux", affirme-t-elle.

Madeleine Riffaud le 16 août 2021, à Paris

Madeleine Riffaud le 16 août 2021, à Paris

Christophe ARCHAMBAULT - AFP/Archives

Cela se passait rue des Saussaies, une adresse tristement célèbre. "C'est pas un endroit à fréquenter...", selon la résistante.

Elle avait abattu un officier allemand, le 23 juillet 1944, sur un pont de Paris. "Je regrette, d'ailleurs, d'avoir tué cet homme. Tu es là. Tu regardais la Seine. Est-ce qu'on peut être méchant, quand on regarde la Seine? C'était peut-être un type bien. Mais ça... bon, c'est la guerre", se souvient-elle.

Elle se fait alors interpeller par des Français collaborationnistes. "Le type qui m'a arrêtée m'a amenée direct chez les Allemands. Il aurait pu m'amener à la Milice, et ses chefs. Mais il a préféré les Allemands, car j'étais utile. Les Allemands, sur des affiches dans Paris, annonçaient qu'ils donneraient 10.000 balles à celui qui apporterait un terroriste".

- "Il faut lutter" -

L'album de BD n'élude pas, 80 ans après, la brutalité des traitements subis pour la forcer à donner le nom des responsables de son réseau. Elle s'est tue. Elle en garde des séquelles, et voit toujours un orthophoniste, qui l'aide à garder l'usage de la parole.

"Le nez... On l'a refait deux fois. Mais on m'a refait le même (...) J'ai eu la mâchoire démise aussi. Cassée même. Là, là... Enfin, c'est ce qu'on appelle un passage à tabac, hein. C'est pas des tortures", atténue-t-elle.

La centenaire n'a pas arrêté de fumer, ni de boire. "Moins quand même. J'ai opté pour un whisky japonais, cher, mais très bien. Pas trop fort", explique-t-elle.

Madeleine Riffaud le 26 juillet 2019, à Paris

Madeleine Riffaud le 26 juillet 2019, à Paris

Natalie HANDEL - AFP/Archives

"Il dit rien, mon médecin. Il peut dire, mais j'aime bien. Il sait même pas que je fume. Il l'a pas vu", pense-t-elle. Mais l'odeur qui la trahit? Finalement, "il sait peut-être que je fume. Mais ça l'embête pas... Il n'y a plus beaucoup d'interdits à mon âge".

Les éditions Point ont publié le 19 août une anthologie de ses poèmes.

"Il y en a qu'on n'a pas retrouvés écrits. Mais Madeleine se souvient par cœur des poèmes qu'elle a écrits quand elle avait huit ans, sur les soldats de la Première Guerre mondiale", précise Jean-Daniel Morvan.

Chez cette communiste et anticolonialiste, la plupart d'entre eux ont une tonalité politique.

"On peut lutter. Il faut lutter. Voilà ce qu'il faut. Il faut pas s'endormir", lance-t-elle aujourd'hui. Dans la Résistance, "on n'était pas beaucoup, nous, au départ".

Par Hugues HONORE / Paris (AFP) / © 2024 AFP

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