13 mai 1968. Ce jour-là, une grande manifestation rassemble étudiants et ouvriers place de la République à Paris. Tous les secteurs de l'usine Renault sont représentés, alors qu’un comité exécutif des représentants du personnel a appelé à la grève générale. Le mot d’ordre est alors lancé : il faut occuper l’île Seguin, le cœur de l’usine Renault à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Anciens employés de Renault Billancourt, Clara et Henri Benoist se souviennent de ce jour-là. Lui est dessinateur industriel et délégué CGT, elle sténo-dactylo.
"Aller dans l’île, car c’est là que ça va se décider, la consultation du personnel ! On ferme la voie d’accès aux bureaux. Et on a de la part des gens qui arrivent le sentiment que c’est accepté", se rappelle Henri, qui se réjouit rapidement d’un mouvement qui fait tache d’huile. "Progressivement, on apprend que dans nos usines décentralisées de Renault, à Cléon, à Flins, ça a débrayé...", se souvient-il au micro de Sud Radio.
"Certains bouquinent, d’autres discutent ou jouent aux cartes"
Pendant des semaines, les ouvriers se relayent sur le piquet de grève et chacun a sa méthode pour tuer le temps, comme l’explique Clara. "Les gens sont dans leur secteur, et ils s’occupent comme ils peuvent ! Certains bouquinent, certains discutent, d’autres jouent aux cartes… Il y a des artistes, des groupes musicaux, et de temps en temps des commissions pour élaborer les revendications bien entendu", déclare-t-elle.
Aux revendications classiques concernant entre autres le temps de travail ou les salaires, d’autres sont plus spécifiques, pour les femmes notamment. "On avait demandé à avoir une formation technique car on tapait à longueur de journée des termes techniques qu’on connaissait, mais on ne voyait pas comment ça marchait ! Les agents techniques avaient des formations régulières. Nous, on n’en avait jamais !", rappelle-t-elle.
Même si aucun accord n’est trouvé avec la direction, le travail à Renault Billancourt reprendra au mois de juin.
Un reportage de Capucine Bouillot