Un texte du Sénat propose d'interdire les femmes voilées des sorties scolaires. Le débat n’a en fait jamais été tranché. Seule une étude du Conseil d’État de 2013 dit qu'il n'y a que le directeur d’une école qui peut interdire un parent de sortie scolaire s’il fait du prosélytisme. Les sénateurs LR se penchent donc sur la question : un parent accompagnateur doit, selon eux, être considéré comme un auxiliaire de l’Éducation nationale. Il doit donc observer un principe de neutralité.
Les parents ne sont pas des fonctionnaires
"Problème, souligne Véronique Jacquier, le gouvernement n’a pas l’intention de suivre et devrait demander l’abandon de cette proposition. Pourquoi ? Parce que le parent n’est pas un fonctionnaire et qu’il n’existe aucun texte juridique pour étayer l’argument des sénateurs. Jean-Michel Blanquer ne tranche rien, bien que reconnaissant que le sujet existe. Il préfère s’en remettre aux chefs d’établissement. À eux d’apprécier la situation et de fixer les règles, dit-il".
Mais pourquoi n’arrive-t-on pas à fixer des règles ? "La loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école ne concerne pas les parents, rappelle Véronique Jacquier. Mais on ne peut pas mettre sur le même plan des parents emmenant leurs enfants à l’école et participant à un projet pédagogique". Des directeurs d’école sont confrontés à des demandes de parents d’élève, qui ne veulent pas voir leurs enfants accompagnés par des femmes voilées. Des femmes voilées qui n’hésitent pas à saisir les rectorats en parlant de racisme et de discrimination. À Perpignan et Montpellier, des femmes ont dénoncé l’amendement à la loi Blanquer, le 28 mai dernier. Elles étaient une centaine à manifester.
Plus personne pour accompagner les sorties
Si l’amendement était appliqué, il n’y aurait plus de mamans pour les sorties scolaires, argumentent certains. "Le débat s’est focalisé sur les femmes voilées, alors que des signes religieux, il y en a d’autres", estime Asif Arif, avocat et Auteur de Être musulman en France. Il y a une discrimination dans l’approche du problème. Ensuite, la jurisprudence est très claire : lorsque l’on est amené à interdire à un parent accompagnateur d’accompagner des enfants lors d’une sortie scolaire, il faut motiver sa décision". D’un point de vue sociologique, "il faut se poser la question de ce que l’on veut comme société, estime-t-il. On dit que les femmes voilées sont soumises, restent chez elles. Mais quand elles veulent s’impliquer, faire du sport, aller à la plage, on le leur interdit sous prétexte qu’elles porteraient un signe qui éveille plus l’intolérance de certains qu’un problème de liberté. La laïcité impose qu’on laisse ces femmes porter le signe religieux qu’elles veulent, du moment qu’elles n’imposent pas à des enfants une idéologie religieuse, qu’elles ne leur parlent pas de religion. Dans certaines collectivités territoriales, par exemple dans le 93, il n’y que des femmes voilées pour accompagner".
"À l’école laïque de la République, il n’y a pas à transiger sur les valeurs, estime néanmoins Véronique Jacquier. Le port du voile pose la question du communautarisme, de la femme musulmane dans notre société, ou de la place qu'elles s’assignent. Il faudrait une loi pour interdire les signes religieux, et donc le port du voile en sortie scolaire. Ainsi, les choses seraient claires. Mais que ferons-nous de ces femmes qui n’hésiteront pas à être hors la loi ?"
Retrouvez "Info Vérité" du lundi au vendredi avec Véronique Jacquier à 7h10 et 9h15 sur Sud Radio, dans la matinale de Cécile de Ménibus et Patrick Roger.
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