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Manche: 15 jours après leur naufrage, Osama toujours à la recherche de son père

Derrière la liste toujours plus longue des exilés morts dans la Manche en tentant de gagner l'Angleterre, une autre liste se dessine en filigrane, celle des disparus. Depuis deux longues semaines, Osama, un jeune Syrien, cherche son père, avec lequel il a perdu contact lors du naufrage de leur canot.

Sameer Al-DOUMY - AFP

Derrière la liste toujours plus longue des exilés morts dans la Manche en tentant de gagner l'Angleterre, une autre liste se dessine en filigrane, celle des disparus. Depuis deux longues semaines, Osama, un jeune Syrien, cherche son père, avec lequel il a perdu contact lors du naufrage de leur canot.

"Je vis avec beaucoup d'espoir de le retrouver. Inch'Allah, je vais le retrouver". Visage juvénile entouré d'un collier de barbe, yeux brillants sous de longs cils recourbés, Osama Ahmed, 20 ans, raconte, depuis une maison de Calais où l'association La Margelle l'accueille, les démarches entreprises pour localiser son père Ahmed Ahmed, dont la mort reste pour lui inconcevable.

La vie du jeune homme semble s'être figée la nuit du 22 au 23 octobre.

Le père et le fils tentent alors pour la troisième fois de rallier l'Angleterre, comme plus de 30.000 migrants l'ont fait depuis janvier.

Au signal des passeurs, le groupe d'une soixantaine de personnes caché dans les dunes se précipite vers un canot déjà à flot - mais l'embarcation a parcouru 1 km à peine que l'eau commence à y entrer. Le groupe fait demi-tour mais les passeurs restés sur la plage les repoussent vers le large, rapporte Osama.

Selon lui, ils leur avaient promis des gilets de sauvetage, mais au moment du départ, ils leur ont finalement expliqué qu'ils étaient endommagés.

Osama Ahmed à la maison de Calais où l'association La Margelle l'acceuille, le 7 novembre 2024

Osama Ahmed à la maison de Calais où l'association La Margelle l'acceuille, le 7 novembre 2024

Sameer Al-DOUMY - AFP

Peu après le départ, le canot se dégonfle complètement et tous les passagers tombent à la mer. La première demi-heure, Osama et son père sont accrochés l'un près de l'autre mais lorsque le canot se disloque, ils se retrouvent séparés, dans l'obscurité et la panique.

Deux ferries passent près d'eux avant que les secours finissent par arriver, raconte-t-il.

Leur embarcation a fait naufrage à deux kilomètres des côtes françaises, selon la préfecture maritime. Une femme et deux hommes sont retrouvés morts, mais le décalage entre le nombre de rescapés, 45, et des témoignages évoquant un nombre plus élevé de passagers fait rapidement craindre des disparus.

Depuis ce naufrage, auxquels d'autres drames ont déjà succédé dans la Manche, neuf corps ont été découverts en mer ou rejetés sur des plages du Pas-de-Calais.

- Bague gravée -

Souffrant de brûlures liées à l'eau salée et au carburant, Osama est transporté à l'hôpital. Quand il s'y réveille, il demande où se trouve son père, puis se met à le chercher dans les commissariats, les hôpitaux, auprès de la Croix-Rouge. En vain.

Le jeune homme décrit à la police ses vêtements et la bague où son nom est gravé. La police prélève aussi son ADN.

A chaque découverte de corps, il s'attend à apprendre qu'il s'agit de son père. Cela n'a pas été le cas jusqu'à présent. Dans l'attente de nouvelles, tous ses projets de vie restent à quai.

Osama Ahmed montre une photo de son père qu'il recherche depuis le naufrage de leur canot lors d'une tentative de traversée de la Manche, à Calais le 7 novembre 2024

Osama Ahmed montre une photo de son père qu'il recherche depuis le naufrage de leur canot lors d'une tentative de traversée de la Manche, à Calais le 7 novembre 2024

Sameer Al-DOUMY - AFP

Il sourit de toutes ses dents lorsqu'il décrit son père, l'homme "le plus gentil du monde", "(son) exemple dans cette vie", montrant sur son téléphone la photo d'un quinquagénaire à la moustache grise, en chemise blanche et veste.

Sa famille a fui la Syrie il y a 13 ans pour s'installer en Turquie. Deux frères d'Osama sont déjà passés en Angleterre, eux aussi sur des "small boats".

Dans de nombreux naufrages, "il y a des disparus" et "leurs proches ont beaucoup de mal à avoir accès aux services qui pourraient les aider dans leurs recherches", souligne Jeanne Bonnet, co-fondatrice de La Margelle.

"On a l'impression parfois de se faire balader de service en service" et, comme dans le cas d'Osama, "c'est toujours à nous (les proches et les associations) d'aller chercher les informations", déplore-t-elle.

Elle s'indigne aussi qu'aucune solution d'hébergement n'ait été proposée au jeune homme, traumatisé et blessé, à sa sortie de l'hôpital. Il est retourné vivre sur un campement, avant d'être repéré par les associations et accueilli à La Margelle.

Depuis le 1er novembre, malgré des températures en baisse et le brouillard, près de 1.200 migrants ont rejoint les côtes anglaises à bord de "small boats", selon les chiffres officiels britanniques.

Au moins 60 sont morts dans la Manche depuis le 1er janvier, sans compter les derniers corps découverts et les disparus, un record depuis le début de ces traversées en 2018.

Par Béatrice JOANNIS / Calais (AFP) / © 2024 AFP

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