Omniprésent dans les médias, le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard se détache peu à peu de l'image de stratège de l'ombre qui a longtemps été la sienne, s'affirmant comme le principal relais - et potentiel successeur - de Jean-Luc Mélenchon.
Sur l'année 2024, l'entourage de M. Bompard a estimé à près de 120 son nombre de passages en radio ou à la télévision. Et nul doute qu'il sera en première ligne lorsque La France insoumise mènera la bataille en janvier contre le Premier ministre François Bayrou.
Manu"Ca me plaît, je le vois un peu comme un jeu d'échecs", sourit l'intéressé, qui a eu recours à du "media training" avec une ancienne journaliste.
Sur les plateaux, le dirigeant de 38 ans, reconnaissable à sa silhouette longiligne et ses yeux plissés, adopte souvent un ton calme et évite les dérapages - voire est obligé d'arrondir les angles quand ses collègues LFI font des sorties polémiques.
Une manière de s'exprimer plutôt éloignée de la doctrine insoumise du "bruit et de la fureur", et notamment de la personnalité de Jean-Luc Mélenchon, un peu plus discret dans les médias depuis plusieurs mois.
"Peut-être que mon style est plus posé, ça correspond à ma nature dans la vie", reconnaît-il à l'AFP, en réfutant cependant être "plus mou ou plus tendre" que ses camarades.
Une méthode qui commence visiblement à porter ses fruits: au mois de novembre un sondage Ifop/Fiducial le créditait de 33% d'opinions favorables. De loin le meilleur score pour un responsable insoumis dans cette enquête d'opinion.
- Cravate -
Son caractère, "avec plus de sang froid et moins de passion", avait notamment fait mouche en juin lors d'un débat pour les législatives sur TF1, avec les Premiers ministrables Gabriel Attal et Jordan Bardella, qu'il avait laissé s'invectiver mutuellement.
"Il était calme Bompard, c'est très bien. C'est un passage télé qui ne me fait pas perdre de point", avait même salué François Ruffin, qui était alors à la fois en campagne et en rupture avec LFI.
Pour l'occasion, fait rare chez lui et pour un mouvement dont les élus avaient été accusés de venir "débraillés" à l'Assemblée, Manuel Bompard portait une cravate. Rouge, comme celle de Jean-Luc Mélenchon.
Depuis, le député des Bouches-du-Rhône ressort la cravate pour les grandes occasions; comme lorsque les dirigeants du Nouveau Front populaire ont été reçus par Emmanuel Macron pendant l'été.
Le dirigeant insoumis dit également avoir travaillé avec l'actrice - et suppléante de la députée insoumise Sophia Chikirou - Sophie de La Rochefoucauld sur ce qui était pour lui "une faiblesse": "la prise de parole en public, les meetings".
"J'ai bien progressé depuis deux ans, même s'il reste encore du travail", développe-t-il.
- Rap et mathématiques -
Originaire de la Drôme, Manuel Bompard se souvient avoir été adolescent "un peu geek, intéressé par la programmation sur ordinateur et gros fan de rap".
Une musique contestataire qui a eu "un rôle très fort" dans son engagement politique.
Sa formation détonne dans le monde politique: il est docteur en mathématiques et auteur d'une thèse sur l'aérodynamique.
De quoi renforcer le côté froid qui peut lui être reproché.
"Il s'est amélioré, mais manque encore un peu d'incarnation", commente un député insoumis qui aimerait le voir développer "un supplément d'âme".
Les liens entre Jean-Luc Mélenchon et son bras droit sont anciens. Manuel Bompard rejoint le Parti de gauche dès sa création en 2008, et grimpe vite les échelons après avoir joué les petites mains.
Manuel Bompard participe aux trois campagnes présidentielles du patriarche insoumis et dirige même les deux dernières, où le candidat de la gauche radicale obtient 19,6% et 22% des voix.
En 2022, Jean-Luc Mélenchon lui lègue sa circonscription, lui offrant ainsi un boulevard pour se faire élire député à Marseille.
Garant de la ligne insoumise, une phrase prononcée en 2022 lui colle encore à la peau: "le vote n'est pas forcément l'alpha et l'oméga de la démocratie".
"Bompard c'est un gros bosseur, il tient la baraque d'une main de maître. Mais il est d'une brutalité sans nom. C'est lui qui fait le sale travail", grince un ancien élu LFI.
"Je n'ai pas de volonté, de dureté ou de méchanceté", balaie l'intéressé, en reconnaissant cependant "une part de dureté inhérente à la politique".
Aux côtés de Mathilde Panot et Clémence Guetté, il forme un triumvirat régulièrement mis en avant par Jean-Luc Mélenchon comme capable de lui succéder.
Mais "aucun des trois ne peut remplacer Jean-Luc", estime cependant un parlementaire insoumis.
"Il les met en avant parce qu'il sait qu'ils ne lui feront pas d'ombre. Bompard est le meilleur des trois mais pour une présidentielle ça ne suffit pas".
Par Léo MOUREN / Paris (AFP) / © 2024 AFP