Plus de 1 400 kilomètres pour rallier l’Italie à Calais, avant de boucler le périple en plein cœur de Londres. Alors que l’actualité de ces derniers jours a été grandement centrée autour de L'Aquarius et de ses 630 migrants finalement accueillis en Espagne après le refus de l’Italie et la "non-action" de la France, la "marche solidaire et citoyenne" atteignait un cap important ce dimanche en défilant dans les rues de Paris, alors que la loi Asile et Immigration passe devant le Sénat mardi et mercredi.
Pour Isaline, qui marche depuis Lyon, c’est la colère qui prédomine aujourd’hui. "On fait entre 25 et 30 kilomètres de marche par jour, et on est reçu par des collectifs d’association dans les villes. Je suis en colère et catastrophée par la manière dont on accueille les personnes étrangères sur notre sol", clame-t-elle au micro de Sud Radio. Claude, ancien travailleur dans le bidonville de Nanterre dans les années 1970, a lui aussi rejoint la marche près de Lyon et dénonce l’instrumentalisation politique de la question migratoire. "Dans ma jeunesse, ça existait aussi ! On utilisait les Algériens et les Portugais pour faire peur. Ce sont les politiques qui utilisent les réfugiés pour dire que c’est eux qui vont tout nous prendre, qu’ils posent problème, etc., ce ne sont pas les gens", fait-il remarquer.
"Même l’OCDE dit que l’accueil des migrants est un apport économique"
Présente dans le cortège, Véronique, qui anime un site Internet sur les préjugés concernant les migrants, critique avec vigueur la loi Asile et Immigration qui devrait être prochainement adoptée. "Le gouvernement actuel a le courage politique d’un bulot. La seule justification de Gérard Colomb pour sa loi, c’est de dire que l’opinion la demande. Nous sommes 67 millions, et on parle au maximum de quelques centaines de milliers de personnes, donc pas de quoi parler d’envahissement… Même l’OCDE dit que l’accueil des migrants est un apport économique, pas un coût ! Il n’y a pas de quoi s’inquiéter !", insiste-t-elle.
Président de l’association L'Auberge des Migrants, qui organise la marche, Christian Salomé, l’imbroglio autour du sort de L’Aquarius ces derniers jours révèle un manque flagrant d’humanité. "Le cynisme est partout. Quand on regarde passer un bateau avec des gens en détresse, qu’on les laisse partir dans un autre pays en disant qu’on verra s’il y en a quelques-uns qui veulent venir en France… Non, quand des gens dérivent dans la mer, la première chose à faire est de les accueillir. Au niveau humanité, on a perdu une bonne occasion de faire quelque chose. On est quand même dans un pays où les gens ne sont pas si malheureux au point de fuir ce pays, d’autres gens en sont réduits à ça, et il faudra qu’on les accueille un jour ou l’autre", assure-t-il.
"On ne laisse pas des gens comme ça en pleine mer !"
Même son de cloche du côté d’Éric Coquerel, député (France Insoumise) de Seine-Saint-Denis, présent parmi les manifestants ce dimanche. "Il y a le devoir d’humanité, on ne laisse pas des gens comme ça en pleine mer ! Mais il y a aussi des accords internationaux qui expliquent depuis le début du 20ème que quand vous avez des naufragés, vous devez leur porter assistance. Et un État doit d’autant plus porter assistance à ces naufragés quand ils sont sur un bateau qui bat pavillon de cet État ! C’est le cas de la France, et la France n’a rien dit. Elle a fait de l’hypocrisie en dénonçant les Italiens. C’est dans la droite ligne de cette loi Asile et Immigration extrêmement dure, inhumaine et inefficace. N’imaginez pas que des gens qui risquent leur vie sur la Méditerranée vont être arrêtés par des lois plus dures, ce n’est pas vrai ! Et on n’expulsera pas non plus 40 000 personnes de plus par an, pour des raisons matérielles et financières… On va donc transformer une situation déjà compliquée en une situation chaotique", prédit-il.
Un reportage de Fany Boucaud