"L’école est dans certains quartiers la seule institution de la République qui demeure"
Michel Aubouin, ancien préfet, est l'auteur de "40 ans dans les cités" (Ed. Presses de la Cité). Avec André Bercoff, ils reviennent sur ces territoires oubliés de la République. Ce natif de Dreux explique ce qui caractérise aujourd'hui ces cités : "Il y a quarante ans, ces grandes décisions qui allaient amener en dérive ces quartiers, étaient déjà prises, mais on était au tout début du processus et beaucoup ne se sont pas aperçus des conséquences qui allaient en découler. Quarante plus tard, ce sont de véritables villes, éparpillées partout en France et plus seulement en région parisienne et qui ont globalement échappé à la régulation de l'État et à la loi commune".
Mais peut-on parler pour autant de zones de non-droit ? "C'est un abus de langage puisqu'il existe toujours des droits : le Code de la route s'applique par exemple, l'école est aussi présente. C'est d'ailleurs la seule institution de la République qui demeure dans certains quartiers", estime Michel Aubouin. Pour lui, la police judiciaire peut encore y entrer. En revanche, il tempère : "La police de terrain n’entre plus volontairement dans certains quartiers depuis les émeutes de 2005".
"On a pensé régler le problème avec des rénovations d’urbanisme"
Il estime que c'est ce qui explique la rupture entre ces territoires et le reste de la Nation, "le fait que l'ordre ne s'y établit plus." L'ancien préfet évoque alors les erreurs commises dans les années 1980, tels des pansements sur des jambes de bois : "Au début des premiers troubles dans les quartiers, on a pensé régler le problème avec des rénovations d’urbanisme." Beaucoup de temps et énormément d'argent, selon lui, des milliards d'euros ont été dépensés pour réaliser de nouvelles façades d'immeubles. Pire, il pense que c'est encore la conception de certains hommes politiques et autres institutions aujourd'hui.
Il accuse les voyous qui dirigent ces cités d'avoir utilisé la violence pour gagner la bataille. Ils ont créé du désordre et les institutions ont reculé. Lui, l'homme de terrain raconte et décrit la situation actuelle en illustrant : "À Grigny, 300 jeunes sans emplois ont été déscolarisés beaucoup trop tôt, ne savent pas lire et sont incapables de travailler dans une sandwicherie". Enfin, il alerte : "On se dirige vers une crise grave : nos institutions sont incapables de régler le problème de nos quartiers et du crime organisé".
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