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Michel Fize : "on assiste à un essor des violences contre les personnes"

Michel Fize, sociologue, ancien chercheur au CNRS, spécialiste des questions de la jeunesse et de l’exclusion et auteur de "Radicalisation de la jeunesse : la montée des extrêmes" (Éditions Eyrolles, 2016) était l'invité de Jean-Marie Bordry dans "Les vraies voix" le 29 juillet 2021 sur Sud Radio.

Michel Fize, invité de Jean-Marie Bordry dans "Les vraies voix" sur Sud Radio.

Près d'un tiers (31%) des personnes sorties de prison en 2016 ont de nouveau été condamnées pour une infraction commise l'année suivant leur libération, apprend-on d'une étude publiée le 29 juillet 2021 dans le bulletin d'information statistique de la justice. La délinquance, est-elle plus présente dans notre société aujourd'hui ?

 

Michel Fize : "la pauvreté n’est pas corrélée directement avec la délinquance"

"Je me suis replongé au début des années 1960. Nous aurions conclu à une hausse spectaculaire des violences, mais pas des mêmes violences. À l’époque c’était les atteintes contre les biens, une multiplication de vols. Nous étions dans les premières phases de la société de consommation, et le vol était devenu une pratique courante. Aujourd’hui, les atteintes contre les biens sont passées au second plan, et ce sont surtout les atteintes contre les personnes.

 


Mais il faut bien avoir en tête qu’avec les statistiques, nous n’avons que la partie émergée de l’iceberg. Parce qu’il y a deux types de délinquance : il y a la délinquance qui remonte à la police, qui remonte jusqu’au parquet, et puis il y a la délinquance invisible, le 'chiffre noir', c’est-à-dire ce qui se commet mais ne peut pas être identifié. Et, couronnant le tout, il y a ce qu’on appelle la violence.

Cette enquête ne révèle rien de ce qu’on ne savait déjà. On le sait depuis 10 ou 15 ans et surtout depuis le développement des crises économiques et sociales. Il y a un terreau de délinquance qui ne touche pas uniquement les cités mais aussi les zones rurales, ce que d’autres ont appelé la France périphérique. Néanmoins, la pauvreté n’est pas corrélée directement avec la délinquance. Il y a des tas de gens de condition modeste qui ne seront jamais délinquants", a expliqué Michel Fize.

"La société actuelle représente de plus en plus un assemblage hétéroclite d’individus"

Les personnes de nationalité étrangère, sont-elles plus enclines à devenir délinquants ? "C’est évidemment un raccourci que je ne ferai pas parce qu’il n’est pas juste. Ces personnes sont en décrochage scolaire et, comme je l’appelle, en décrochage moral. Dans les années 1960, quand il y avait des agressions, cela se faisait dans un cadre presque de convivialité. Quand on appartenait à une bande de blousons noirs, on ne cherchait pas à tuer l’autre, on cherchait à lui faire reconnaître qu’il avait perdu en le mettant au sol. Et on en restait là, le combat était fini, et ce n’était jamais un combat mortel.

 


La société actuelle, en revanche, est de moins en moins reliée à la conscience collective, au respect des règles et représente de plus en plus un assemblage hétéroclite d’individus. Le respect des règles est affaibli pour ne pas dire anéanti. Cela touche toutes les générations, tous les milieux. Aujourd’hui on se tue pour une place de parking refusée devant un supermarché, on s’agresse violemment sur les routes quand on n’est pas content… Il y a une disproportion entre le fait qui va amener une réaction et la réaction", a expliqué Michel Fize.

Quid de la peur du gendarme, qui semble s’être dissipée ? "Cela porte un nom pompeux : la crise des légitimités. Aujourd’hui le statut ne suffit plus pour qu’on écoute l’autre. Cela vaut pour l’enseignant, pour le père de famille et pour les policiers. C’est le résultat d’une société de l’individualisme triomphant. C’est une société où il y a un ressenti d’égalité chez chacun : ‘de quel droit toi, tu m’imposes ? je m’en fous de ton statut’.

Maintenant il faut s’interroger sur ce comment on refait société. On refait société en redéfinissant un certain nombre de règles communes et de valeurs. On doit le faire pour nos enfants à l’école, avec l’éducation civique et morale. Pour les adultes il faut regarder tout ce qui est médiation, réparation, travaux d’intérêt général."


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