"Tristes" et "en colère", les salariés de la grande usine Michelin de Cholet (Maine-et-Loire) ont voté mardi pour la grève, après l'annonce de la fermeture du site par la direction du groupe, qui met en cause "l'effondrement" des ventes de pneus pour camions et camionnettes.
Le géant français du pneu a annoncé aux salariés la fermeture avant 2026 de ses sites de Cholet et Vannes (Morbihan), qui comptent au total 1.254 salariés.
A Cholet, "ils ont mis les 900 salariés dans une salle comme des vaches à l'abattoir et annoncé que c'était fini", a déclaré à l'AFP Morgane Royer, salariée depuis "bientôt 10 ans" chez Michelin et déléguée syndicale SUD.
Des pneus ont brûlé dans l'après-midi: les salariés de Cholet ont voté pour la grève et bloqué le site peu après les annonces de la direction.
Le Premier ministre Michel Barnier a dit mardi être "en désaccord" avec la décision du groupe de fermer ses sites, et indiqué avoir rencontré son PDG Florent Menegaux "il y a quelques jours".
"J'ai le souci de savoir ce qu'on a fait dans ces groupes de l'argent public qu'on leur a donné", a-t-il souligné à l'Assemblée nationale, évoquant également Auchan, qui prévoit pour sa part de supprimer 2.389 emplois.
En réponse, Michelin a indiqué à l'AFP avoir perçu 42 millions d’euros au titre du crédit d'impôt recherche (CIR) en 2023. Cela lui permet de rendre les chercheurs compétitifs et de consolider son centre mondial de R&D en France, soit plus de 300 chercheurs basés au centre de Ladoux à Clermont-Ferrand, selon un porte-parole.
Le ministre de l'Industrie Marc Ferracci a demandé de son côté "un plan d’accompagnement exemplaire des salariés et des territoires".
- Silence -
A l'usine Michelin de Vannes (Morbihan), "l’annonce, faite par la directrice, a été accueillie par un grand silence. Tout le monde accuse le coup", a témoigné Eric Boisgard, salarié depuis 2004 et ancien délégué syndical CGT.
Les salariés craignaient ces annonces depuis plusieurs semaines, et les discussions avec les syndicats avaient été interrompues.
Pour le premier syndicat du groupe, la CFE-CGC, ces fermetures sont "une décision unilatérale, brutale et mal anticipée", a condamné son délégué syndical central José Tarantini, auprès de l’AFP. "Nous comprenons qu’il puisse y avoir des restructurations, ce qui ne veut pas dire fermeture de site", a souligné M. Tarantini.
"Aujourd'hui, on ferme deux sites et on met plus de 1.200 salariés au chômage pour que Michelin fasse plus de bénéfices et donne plus de dividendes à ses actionnaires", a protesté le délégué syndical central CGT Romain Baciak.
- Ralentissement du marché -
Michelin traverse une année difficile avec le ralentissement du marché des véhicules neufs et la concurrence asiatique.
"C'est l'effondrement de l'activité qui a provoqué cette situation, et je veux dire à tous ces salariés que nous ne laisserons personne au bord du chemin", a déclaré le PDG de Michelin, Florent Menegaux, dans un entretien avec l'AFP.
Michelin avait déjà fortement réduit son empreinte en France, son premier pays. Avec Poitiers, Toul, Joué-lès-Tours et La Roche-sur-Yon, il aura fermé six usines en vingt ans.
Le Bibendum n'est pas le seul à tousser. Le fort ralentissement du marché automobile provoque de graves difficultés chez les équipementiers européens.
Selon Michelin, ces deux nouvelles fermetures sont devenues "inéluctables" en raison de la concurrence asiatique sur les pneus de camionnettes et poids lourds, secteurs des usines de Cholet et Vannes.
Le PDG de Michelin met également en cause une "dégradation lente de la compétitivité" de l'Europe, notamment liée aux coûts de l'énergie, qui empêche d'exporter.
La CFDT du groupe a estimé dans un communiqué que "Michelin a décidé seul de la solution extrême", alors que d'autres possibilités existaient pour Cholet et Vannes.
- "Sans perspective" -
L'usine de Cholet emploie 955 salariés, qui fabriquent principalement des petits pneus pour camionnettes, un segment en "baisse significative" en Europe "sans perspective de redressement", justifie Michelin.
Le site de Vannes compte 299 salariés, qui produisent principalement des câbles métalliques pour pneus de poids lourds.
Michelin, qui a provisionné 330 millions d'euros pour ces opérations, s’engage à "accompagner chacun des salariés concernés avec des solutions sur mesure", des offres d'emplois dans d'autres entreprises ou au sein du groupe, ou bien des départs en préretraite.
Il promet également de "participer à la création d'au moins autant d'emplois que ceux supprimés" sur le territoire, comme il l'a fait à La Roche-sur-Yon, où 635 emplois ont été créés en quatre ans pour 613 emplois supprimés, selon le groupe.
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Par Laetitia DREVET à Cholet, Céline CASTELLA à Clermont-Ferrand et Taimaz SZIRNIKS à Paris / Cholet (AFP) / © 2024 AFP