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Mort de journalistes à Homs: l'enquête étendue aux crimes contre l'humanité

Le 22 février 2012, la journaliste américaine Marie Colvin et le photographe français Rémi Ochlik étaient tués dans un bombardement en Syrie. Treize ans après, les investigations pour crimes de guerre s'accélèrent, avec leur élargissement aux crimes contre l'humanité.

STEPHANE DE SAKUTIN, SUNDAY TIMES - AFP/Archives

Le 22 février 2012, la journaliste américaine Marie Colvin et le photographe français Rémi Ochlik étaient tués dans un bombardement en Syrie. Treize ans après, les investigations pour crimes de guerre s'accélèrent, avec leur élargissement aux crimes contre l'humanité.

Le 17 décembre, le Pnat a décidé d'étendre l'information judiciaire contre X en cours, a appris mardi l'AFP de source proche du dossier.

Le Pnat a confirmé à l'AFP avoir saisi la juge d'instruction pour qu'elle enquête sur "de nouveaux faits qualifiés de crimes contre l'humanité" et en particulier sur l'"exécution d'un plan concerté, à l'encontre d'un groupe de population civile parmi lesquels les journalistes, activistes et défenseurs des droits de l'Homme, dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique".

Sont visés "l'atteinte volontaire à la vie" avec les décès de Rémi Ochlik et Marie Colvin, "la persécution" d'un groupe de population - en l'espèce Rémi Ochlik, Marie Colvin, le photographe britannique Paul Conroy, la reporter française Edith Bouvier et le traducteur syrien Wael Omar - et "les autres actes inhumains" perpétrés sur Edith Bouvier.

"Ces récents développements sont extrêmement novateurs et ouvrent la voie à la caractérisation de crimes contre l'humanité dans un certain nombre de procédures concernant des journalistes opérant en zone de conflits armés", a estimé Matthieu Bagard, l'un des conseils d'Edith Bouvier.

- "Grande avancée" -

L'avocat a, avec sa consoeur Marie Dosé, fait des observations à la juge d'instruction, expliquant pourquoi, à leurs yeux, un réquisitoire supplétif devait être pris par le Pnat. La juge a transmis au Pnat, qui a suivi.

"Il faut saluer la position du Pnat. A notre connaissance, on n'a pas de précédent en France. C'est une grande avancée pour les reporters de guerre", a souligné Marie Dosé.

Les journalistes peuvent "désormais se constituer parties civiles par voie d'intervention dans une information judiciaire ouverte du chef de crimes contre l'humanité, et même de déposer plainte afin qu'une telle information judiciaire soit ouverte", s'est aussi félicité Emmanuel Daoud, avocat de la soeur de Marie Colvin, de Wael Omar et de l'association Reporters Sans Frontières (RSF).

"La famille Colvin demande au nouveau gouvernement syrien de coopérer avec les enquêteurs internationaux pour que les auteurs des atrocités telles que le meurtre de Marie Colvin répondent de leurs actes", a réagi auprès de l'AFP Scott Gilmore, l'avocat américain de sa soeur, Cathleen Colvin.

"Nous attendons maintenant que les juges délivrent des mandats d'arrêt contre les hauts responsables politiques et militaires dont la responsabilité a été établie", a ajouté Clémence Bectarte, avocate de la famille de Rémi Ochlik, de la FIDH et du Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression (SCM).

- "Volonté de nous cibler" -

Le 21 février 2012, des journalistes occidentaux, qui viennent d'entrer dans Homs assiégée par les troupes de Bachar al-Assad, se retrouvent dans une maison transformée en centre de presse du quartier de Bab Amr, un bastion de la rébellion de l'Armée syrienne libre (ASL).

Au petit matin, ils sont réveillés par des détonations et comprennent que le quartier est visé par les troupes du régime.

Lorsque leur bâtiment essuie les premiers tirs, ils se décident à en sortir. Les deux premiers à franchir la porte, Marie Colvin et Rémi Ochlik, sont tués par un obus de mortier. Ils avaient 56 et 28 ans.

A l'intérieur, les autres sont projetés par le souffle de l'explosion.

La journaliste française Edith Bouvier sourit à son arrivée sur le tarmac de Vélizy-Villacoublay, dans les Yvelines, le 2 mars 2012, après avoir été grièvement blessée en Syrie

La journaliste française Edith Bouvier sourit à son arrivée sur le tarmac de Vélizy-Villacoublay, dans les Yvelines, le 2 mars 2012, après avoir été grièvement blessée en Syrie

JACQUES DEMARTHON - AFP/Archives

Edith Bouvier, 31 ans, est grièvement blessée à la jambe.

A Paris, dès mars 2012, le parquet ouvre une enquête pour les victimes françaises pour meurtre et tentative de meurtre.

En octobre 2014, l'enquête est élargie à des faits de crimes de guerre. En 2016, les victimes étrangères ou leurs proches se constituent parties civiles.

"Nous n'étions pas au mauvais endroit au mauvais moment, il y avait une volonté de nous cibler" en tant que "témoins des violences militaires du régime" et dissuader d'autres journalistes de venir, a fait valoir Edith Bouvier en janvier 2013, selon son audition citée dans les observations de ses avocats dont l'AFP a eu connaissance.

D'après ces mêmes observations, en mars 2016, un ancien officier des forces gouvernementales syriennes déclarait aussi, sous couvert d'anonymat: "Il faut savoir que l'objectif principal du régime était de frapper les journalistes car c'était eux qui témoignaient de la réalité de la situation".

Même conclusion tirée par des enquêteurs de l'Office central pour la répression des violences aux personnes. Dans un rapport de 2019 dont l'AFP a eu connaissance, ils ont écrit que le bâtiment où se trouvaient les journalistes était "la cible du régime de Bachar al-Assad".

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Par Clara WRIGHT / Paris (AFP) / © 2025 AFP

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