"Un record": près de 47 tonnes de cocaïne ont été saisies par les services français chargés de la lutte anti-stupéfiants sur les 11 premiers mois de 2024, a indiqué lundi Bruno Retailleau, au moment où le gouvernement affiche sa fermeté contre le narcotrafic.
"C'est historique, un record", a déclaré le ministre, en visite au Havre, après une importante saisie de deux tonnes de cocaïne dans un conteneur le 30 décembre dernier.
En un an, les saisies de cocaïne ont plus que doublé puisque "23 tonnes" avaient été saisies sur l'ensemble de l'année 2023, a rappelé le ministre.
"En dix ans, on a un décuplement de la saisine de cocaïne", a-t-il ajouté.
La hausse des saisies s'observe aussi pour les drogues de synthèse, avec près de 9 millions de comprimés de MDMA et ecstasy saisis (+122%) ou 432 kg d'amphétamines (+90%). Mais elles sont en baisse pour le cannabis (88,8 tonnes, -15%) ou l'héroïne (772 kg, -13%), a appris l'AFP auprès du ministère de l'Intérieur.
Les saisies de produits stupéfiants, même massives, n'ont que peu de conséquences sur le trafic, notent cependant les spécialistes, et elles ne représentent qu'une infime partie de ce qui entre et circule réellement en France.
Le ministre a lui-même évoqué une "submersion" et reconnu que si le prix de la drogue ne bouge pas malgré les saisies records, cela "signifie qu'il y a toujours plus de marchandises qui débarquent sur le sol français".
Pour lutter contre le trafic de drogue, "nous allons nous réarmer, comme nous l'avons fait il y a dix ans contre le terrorisme", a-t-il assuré, en défendant la proposition de loi sur le narcotrafic qui doit être examiné au Sénat "à partir du 28 janvier".
Ce texte prévoit une "organisation différente", notamment la création d'un "état-major pour le renseignement, pour les forces de sécurité intérieures", qui sera "interministériel", "pour mieux se coordonner".
- Un "temps de retard" sur le narcotrafic -
Il prévoit aussi la création d'un "parquet national spécialisé anticriminalité", sur le modèle du Pnat, le parquet national antiterroriste, et comprendra d'autres instruments "contre le blanchiment, la corruption".
De quoi "enfin lutter à armes égales" contre les narcotrafiquants, sur qui "on a toujours, malheureusement, un temps de retard", a-t-il admis.
Bruno Retailleau s'est dit favorable à la proposition du ministre de la justice Gérald Darmanin de placer les "cent plus gros" trafiquants de drogue dans une prison sécurisée. Il a "parfaitement raison de vouloir isoler les plus dangereux dans des prisons dédiées parce que souvent ces établissements pénitentiaires sont des passoires et ces têtes de réseau continuent leur trafic et leurs crimes depuis la prison", a dit M. Retailleau.
Bruno Retailleau a également annoncé la nomination au 1er février d'un nouveau chef pour l'Office anti-stupéfiants (Ofast), après six mois de vacance à ce poste.
Comme au niveau national, Le Havre a été le théâtre de saisies record en 2024 avec 13 tonnes de cocaïne interceptées. Le port normand représente 78% des saisies portuaires.
Le ministre a indiqué qu'un scanner mobile était entré en fonction et a évoqué la création future d'une Cross portuaire (cellule de renseignement opérationnel sur les stupéfiants).
"Le Havre c'est une grande plaque, une grande infrastructure en matière de commerce international et évidemment les produits stupéfiants suivent très précisément ces infrastructures", a-t-il déclaré, aux côtés du maire (Horizons) du Havre Édouard Philippe.
Ce dernier, qui a totalement endossé les positions de l'État en matière de sécurité, a fustigé les narcotrafiquants qui "menacent, enlèvent, corrompent, tuent, empoisonnent", en précisant vouloir "accompagner" les travailleurs portuaires.
Par Matthieu CLAVEL, Tiphaine LE LIBOUX / Le Havre (AFP) / © 2025 AFP