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Narcotrafic: la marine française, un caillou dans la chaussure des trafiquants de cocaïne

La production s'envole, les saisies s'emballent: au large des Antilles, la marine française enchaîne des prises record de cocaïne destinée au marché européen, devenu exponentiel. Le coup porté aux trafiquants paraît anecdotique mais est indispensable.

JULIEN DE ROSA - AFP

La production s'envole, les saisies s'emballent: au large des Antilles, la marine française enchaîne des prises record de cocaïne destinée au marché européen, devenu exponentiel. Le coup porté aux trafiquants paraît anecdotique mais est indispensable.

Plus de 2.700 tonnes. C'est la quantité de cocaïne proposée sur le marché mondial en 2022, soit un niveau record, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) dans son dernier rapport.

Cette année-là, la France a saisi 27,7 tonnes, d'après l'office anti-stupéfiants (Ofast), des quantités multipliées par cinq en 10 ans. En 2024, ce sont plus de 47 tonnes prises par les services français chargés de la lutte contre le trafic de stupéfiants, contre 23,2 tonnes en 2023, relève le ministère de l'Intérieur.

"Le prix n'augmente pas, donc cela veut dire qu'on ne fait pas mal. Et c'est un peu ce qui me désespère: nous n'avons pas créé de manque", déplore Clarisse Taron, la procureure de la République en Martinique de 2021 à 2024, alors qu'un gramme de cocaïne coûte 65 euros en France, un prix stable depuis 2021 (source Ofast).

"Je me sens comme un hamster dans la roue. Nous pédalons, travaillons beaucoup et cela coûte beaucoup d'argent. Mais je ne pense pas qu'on bloque fondamentalement le trafic. Nous avons la prétention d'être un caillou dans la chaussure. Nous déroutons un peu, nous gênons. Mais je pense que pour des trafiquants de très haut niveau, cela fait presque partie de leur stratégie", poursuit la magistrate.

La Martinique, autrefois terre de rebond pour la cocaïne sud-américaine, est désormais une plaque tournante.

Fabriquée en Colombie, au Pérou et en Bolivie, la cocaïne profite ces dernières années des côtes vénézuéliennes pour quitter le continent sud-américain et, via la Martinique et la Guadeloupe mais aussi la République dominicaine, se déverser sur le marché européen, devenu l'un des plus prospères, devant les États-Unis, passés aux drogues de synthèse (comme le fentanyl).

Une mission d'évacuation médicale avec  l'hélicoptère embarqué Eurocopter AS565 Panther, à bord de la frégate de la Marine française Ventôse, au large de la Martinique, le 14 novembre 2024 aux Antilles

Une mission d'évacuation médicale avec l'hélicoptère embarqué Eurocopter AS565 Panther, à bord de la frégate de la Marine française Ventôse, au large de la Martinique, le 14 novembre 2024 aux Antilles

JULIEN DE ROSA - AFP

La France lutte d'arrache-pied contre le narcotrafic maritime avec un programme permanent de coopération entre l'Union européenne et les Etats-Unis (Narcops) et des opérations Carib Royale. Ce sont des missions de trois semaines, à raison de deux à trois par an, menées par les frégates de surveillance Ventôse et Germinal des Forces armées aux Antilles (FAA), basées à Fort-de-France (Martinique).

Les deux navires opèrent avec commandos d'assaut, tireur d'élite et hélicoptère pour intercepter des bateaux chargés de cocaïne lors de transbordements en haute mer de bateaux-mère, des voiliers partis des côtes vénézuéliennes et qui dispatchent leur grosse cargaison sur des bateaux-fille (go-fast).

- "Défense de l'avant" -

Le capitaine de fégate Frédéric Ollive (2e g) à la passerelle de la frégate Ventôse qui accoste à à Saint-Domingue, le 18 novembre 2024 en République dominicaine

Le capitaine de fégate Frédéric Ollive (2e g) à la passerelle de la frégate Ventôse qui accoste à à Saint-Domingue, le 18 novembre 2024 en République dominicaine

JULIEN DE ROSA - AFP

"Saisir des grosses quantités en mer plutôt que des petites quantités à terre, c'est quand même plus simple. C'est une forme de défense de l'avant: protéger le territoire national en luttant loin du territoire national", argue le vice-amiral Nicolas Lambropoulos, commandant supérieur des FAA depuis août 2023, relevant que sur les 47 tonnes de cocaïne saisies en 2024, "40 tonnes ont été interceptées par la marine française".

En août dernier le patrouilleur Antilles-Guyane La Confiance a fait une prise de 10 tonnes.

Les saisies ne se feraient pas sans les renseignements émanant de l'Ofast, du MAOC-N (structure internationale de collecte du renseignement maritime) ou encore de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED).

"Il faut toujours essayer de savoir, en se mettant à la place des trafiquants, ce qu'ils feraient pour essayer d'acheminer telle quantité de cocaïne à bon port. Il y a vraiment pour nous un volet d'anticipation de la menace pour, surtout, ne pas avoir d'angle mort", explique le service de renseignement douanier.

Et pour l'office, "clairement, s'il y a de la grosse saisie, cela veut dire qu'il y a de la grosse quantité qui passe".

Des commandos de la marine française se préparent à une mission d'interception anti-drogue à bord de la frégate Ventôse au large de la Martinique, le 15 novembre 2024 aux Antilles

Des commandos de la marine française se préparent à une mission d'interception anti-drogue à bord de la frégate Ventôse au large de la Martinique, le 15 novembre 2024 aux Antilles

JULIEN DE ROSA - AFP

"Il y a quand même une forme de robustesse de l'organisation, c'est puissant derrière. Elles ont de l'argent, elles corrompent toute une série de personnes qui sont présentes à des endroits clés de la chaîne logistique, entre le lieu d'expédition et le lieu de réception. Donc, les gens tentent et quand ça tente, il y a de la grosse saisie", analyse le renseignement douanier.

"Notre job, c'est d'appréhender les trafiquants. De faire en sorte que les zones sensibles, notamment dans la Caraïbe, ne basculent pas comme certains de nos voisins, complètement gangrénés par la capacité des trafiquants à corrompre les logisticiens et les intermédiaires notamment dans les ports et les aéroports. Et que La Martinique et la Guadeloupe ne deviennent pas ce genre de plate-forme. C'est une motivation qui est au-dessus de tout", défend-il.

Le chiffre d'affaires du trafic de drogue est estimé entre 3,5 et 6 milliards d'euros par an en France.

Par Sabine COLPART / Fort-de-France (AFP) / © 2025 AFP

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