Les députés ont approuvé vendredi dans le cadre de l'examen d'un texte sur la lutte contre le narcotrafic la création d'un "procès-verbal distinct", une mesure destinée à protéger les enquêteurs et informateurs mais jugée par les avocats pénalistes et la gauche attentatoire aux droits de la défense.
Cette disposition, approuvée par 57 députés contre 31, prévoit la création lors des enquêtes d'un "procès-verbal distinct", ou "dossier-coffre", pour ne pas divulguer à la défense certaines informations sur la mise en œuvre de techniques spéciales d'enquête (sonorisation, captation des données informatiques...), telles que la date, l'horaire, le lieu de leur mise en œuvre, ou l'identité de la personne ayant concouru à l'installation. Défendue par le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, elle avait été supprimée en commission.
Le rapporteur Vincent Caure (Renaissance) et le gouvernement ont proposé des amendements de réécriture visant à mieux l'encadrer, tenant compte d'un avis du Conseil d'Etat, qui avait recommandé de restreindre "le dossier-coffre" aux cas de nature à mettre en danger la vie ou l'intégrité physique d'une personne.
L'amendement de M. Caure prévoit qu'aucune condamnation ne puisse être prononcée sur le fondement des éléments recueillis via les techniques spéciales d'enquête, sauf si la requête et le procès-verbal ont été versés au dossier. Le juge de la liberté et de la détention pourra cependant autoriser une dérogation à ce principe lorsque la connaissance des éléments recueillis apparaîtra absolument nécessaire à la manifestation de la vérité.
Plusieurs députés du Nouveau Front populaire se sont interrogés sur l'utilité de la mesure, alors qu'il est déjà possible d'anonymiser les témoignages et l'identité des enquêteurs.
Devant les députés, M. Retailleau a de nouveau défendu un dispositif "vital" qui va permettre de "protéger des vies humaines".
Plus tard dans la journée, les députés ont approuvé un article vivement contesté par la gauche qui permettrait au préfet de prononcer une "interdiction de paraître" d'un mois maximum dans les lieux liés à des activités de trafic de stupéfiants pour les personnes y participant.
Le préfet pourra aussi saisir un juge pour faire expulser de son logement toute personne dont les agissements en lien avec des activités de trafic de stupéfiants troublent l'ordre public.
Les députés du Nouveau Front populaire se sont notamment alarmés d'une mesure qui impacterait, au-delà du trafiquant, les membres de sa famille.
"Le droit au logement est un droit constitutionnel. L'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas indifférent aux décisions que nous avons à prendre. Et nous sommes (...) définitivement opposés aux punitions collectives", a déclaré le président du groupe PS Boris Vallaud.
Jeudi soir, les députés avaient en revanche refusé de rétablir une autre mesure phare du texte, portée par M. Retailleau, celle prévoyant d'obliger les plateformes de messageries cryptées à rendre les messages des narcotrafiquants accessibles aux enquêteurs.
AFP / Paris (AFP) / © 2025 AFP