Avec ses propositions turquoise, jaune, rose ou rouge et son message d'"unité", l'artiste peintre française Claire Tabouret, associée à l'atelier verrier rémois Simon-Marq, a été choisie pour réaliser les controversés vitraux contemporains de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Souhaités par le président de la République Emmanuel Macron et l'archevêque de Paris Mgr Laurent Ulrich, qui veulent laisser une trace contemporaine dans l'édifice dévasté par un incendie en 2019 et entièrement restauré, ces nouveaux vitraux doivent remplacer fin 2026 six des sept baies du bas-côté sud (côté Seine) de l'architecte du XIXe siècle Eugène Viollet-le-Duc.
Lors d'une conférence de presse mercredi, Claire Tabouret, qui vit et travaille entre la France et Los Angeles, a souhaité que ces oeuvres "puissent être comprises par tous" et "au service de l'unité". "Il fallait de l'audace pour oser apporter ce mouvement (contemporain) essentiel à notre pays, à notre religion, à notre culture", a-t-elle ajouté.
Dans un communiqué, l'Elysée et le diocèse de Paris soulignent, eux, la "très grande qualité artistique" de sa proposition, son "adéquation" avec le vitrail représentant l'arbre de Jessé (1864), qui restera en place, ainsi que "le respect du programme figuratif choisi (...) relatif à la Pentecôte".
A compter de la passation du marché par l'établissement public chargé de rebâtir Notre-Dame, six mois d'étude sont prévus et environ un an et demi de réalisation, selon l'Elysée et le diocèse. Pour un budget de 4 millions d'euros alloués par le ministère de la Culture, a indiqué Philippe Jost, patron du chantier de restauration.
- Pétition -
Nombre de défenseurs du patrimoine à l'origine d'une pétition (près de 245.000 signatures), lancée par le patron du site La Tribune de l'Art Didier Rykner, s'opposent au projet, les anciens vitraux (appelés grisailles) n'ayant pas été endommagés par l'incendie.
Colorés et, pour la plupart, composés de motifs floraux et géométriques, ils pourraient trouver place dans un musée ou un autre édifice religieux. La question sera examinée dans les prochains mois.
Les anti-vitraux contemporains mettent notamment en avant la charte internationale de Venise, interdisant en principe le remplacement d'oeuvres existantes par de nouvelles mais qui n'est pas contraignante.
L'association de défense du patrimoine Sites & Monuments entend saisir la justice, ce qui ne pourra intervenir qu'une fois déposée l'autorisation de travaux, équivalent d'un permis de construire.
"Ces vitraux sont importants pour l'architecture et vont disparaître alors que, dans les beffrois nord et sud, existent des verrières blanches (non décoratives et récentes) qui pourraient accueillir des vitraux contemporains", fait valoir Julien Lacaze, président de cette association, auprès de l'AFP.
- Avis défavorable -
Huit artistes associés à un atelier verrier étaient finalistes pour la réalisation des nouveaux vitraux à la suite d'un appel à candidatures en avril, auquel 110 équipes ont postulé.
Parmi eux, Jean-Michel Alberola, Daniel Buren, Yan Pei-Ming, Gérard Traquandi, Christine Safa, Flavie Serrière Vincent-Petit et Philippe Parreno, qui s'est finalement retiré en raison de sa charge de travail.
Après la dépose d'un panneau d'essai, les candidats ont passé un grand oral.
Un comité artistique composé de 20 membres (conservateurs du patrimoine, artistes, membres du diocèse de Paris, de l'établissement public chargé du chantier de reconstruction et du ministère de la Culture) a été chargé par la ministre de la Culture Rachida Dati de choisir. Ce choix s'est fait "à l'unisson", selon son président Bernard Blistène.
Notre-Dame de Paris a rouvert le 7 décembre, après un chantier colossal de cinq années.
Le projet de vitraux contemporains a reçu un avis défavorable de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture, qui reste consultatif. Par le passé, cette commission s'était opposée à la pyramide du Louvre ou aux colonnes de Buren au Palais-Royal.
En 1965, des vitraux abstraits de Jacques Le Chevallier (1896-1987) avaient intégré la cathédrale avec le soutien d'André Malraux, alors ministre de la Culture.
Par Sandra BIFFOT-LACUT, Raphaëlle PELTIER / Paris (AFP) / © 2024 AFP