Après sa tribune la semaine passée dans le Figaro Vox, l'historien Olivier Faure tient sur Sud Radio à apporter du factuel pour étayer sa position selon laquelle la France est loin de traverser la plus grande crise sanitaire de son histoire.
Avec l'Histoire en point d'appui, "on n'est loin de trouver les chiffres absolument effrayants qui ont été ceux d'épidémies précédentes". Et pour comparer avec le Covid-19 , il ne suffit pas de remonter si loin puisqu'en 1968, "la crise de Hong Kong a fait en France 35 000 morts en l'espace de trois semaines alors que la France comptait 50 millions d'habitants".
Le professeur Faure se veut optimiste sans "préjuger en rien de ce qui va se passer", mais "le coronavirus aujourd'hui ne devrait atteindre ni les chiffres de la grippe espagnole - entre 20 et 50 millions de morts dans le monde - ni des ravages de la tuberculose - environ cent mille morts par an - ni du choléra - deux fois 200 000 morts dans une France de 30 millions d'habitants en 1830 puis en 1850." Et en point d'orgue, "la peste" dont on estime qu'elle a décimé "près d'un tiers voire la moitié de la population". À noter cependant que la tuberculose est, par essence, "plus une endémie qu'une pandémie" en ce qu'elle était permanente plus que temporaire.
Le libre-échange coupable dans les faits
Olivier Faure observe une constante : "depuis que notre monde occidental s'est ouvert aux échanges, les épidémies sont la rançon de notre ouverture du monde". Et pour illustrer ce propos, rien de tel que les chiffres. La peste est arrivée en 1348 au moment où les échanges ont un peu augmenté entre l'Occident et le Levant (Liban et Syrie actuelle). Le choléra est arrivé en Europe occidentale au moment où les Indes ont été conquises par les Anglais, le vitrion du choléra étant dans le delta du Gange. Bien que les transports de l'époque étaient relativement lents en 1757, "le choléra est devenu une pandémie mondiale en moins d'un an".
D'où l'intérêt selon l'historien de poser une question d'intérêt majeur : "doit-on renoncer à notre société d'échanges, de commerce avec les épidémies qu'elle propage ?"
Des trois méthodes possibles pour gérer la crise, le confinement est-il le plus judicieux ?
"Non seulement, on n'a rien inventé mais on est un peu revenu en arrière". Il y a "trois dispositions de lutte contre les épidémies", à commencer par la politique actuelle du "cordon sanitaire", une méthode qui n'a "jamais été véritablement imperméable. Le seul exemple - mais il est terrible - d'efficacité relative de la méthode est celui disposé autour de la Provence en 1820 pour empêcher que la peste ne s'étende (aux autres régions, ndlr.) mais l'épidémie a fait cent mille morts sur quatre cent mille provençaux en deux ans". Encore aujourd'hui, malgré la quarantaine, "le nombre de cas (de Covid-19) continue à augmenter".
Deuxième système, celui, "surprenant, du laissez-faire". Cette méthode libérale au sens classique du terme a été adoptée pendant l'épidémie de choléra, "en pensant que nous étions dans une société de libertés à la fois individuelles et économiques". Un attentisme qui "a également eu lieu au moment de la grippe espagnole (en 1918, ndlr) et de la grippe de Hong Kong en 1968".
Enfin, le troisième et dernier système de gestion d'épidémie n'est autre que "le dépistage et l'isolement des contagieux, utilisé pendant la tuberculose". Seulement, cette option qui apparaît comme la plus arbitraire "a été délaissée par nos systèmes de santé actuels qui ont tourné le dos à cette orientation".
"On est revenus à ce modèle de confinement qui date du Moyen-Âge"
Avec le recul nécessaire, l'historien reconnaît qu'il "y a eu un peu de panique dans le gouvernement". Une panique symptomatique d'une "société de précaution dans laquelle nous avons la hantise de tous les risques et une intolérance à la maladie et à la mort".
L'infantilisation des citoyens, un mal français
Selon Olivier Faure, l'approche du gouvenement et des institutions comme le Medef n'est pas le bonne : mieux vaut guérir que punir. "Tous les gouvernements depuis la monarchie absolue ont considéré les citoyens comme des ennemis, au mieux des enfants dissipés qu'il fallait surveiller et punir. Moi, ce qui me frappe aujourd'hui, c'est le grand civisme des Français qu'il faudrait remercier, leur rendre hommage et leur faire envisager d'autres choses qu'une sortie de crise en travaillant plus, supprimant les vacances, les jours de congés..."
Et de conclure : "j'attends sans trop y croire un discours de remerciements, d'empathie et qui envisage de façon un peu moins traditionnelle la sortie de crise". Comme un symbole, le discours - la semaine dernière - de la Reine Elisabeth II débutait par des remerciements pour "la première ligne" comme pour "ceux qui restent chez eux".