"L’opérateur historique gère la totalité des services d’urgence"
Mercredi 2 juin, des dysfonctionnements massifs ont été signalés partout en France sur les différents numéros d'urgence. Était-on bien préparé face à ce type de pannes et de défaillances ? "Je ne crois pas. Comme l’a dit l’opérateur, personne ne pensait que cela puisse arriver sur les six serveurs, confie Manuel Jacquinet, rédacteur en chef du magazine En Contact spécialiste des centres d’appels. J’ai fait un peu de veille : dans les outils de formation du Samu, on demande s’il est encore capable de fonctionner en cas de catastrophe. On se prépare à avoir beaucoup d’appels, jamais à ne pas en avoir. Or, c’est ce qui est arrivé, et statistiquement, ce n’était jamais arrivé."
Pourquoi une telle panne massive ? "C’est lié à mon avis à trois sujets. D’abord, l’opérateur historique en France gère la totalité des services d’urgence, ce qui est quelque chose de très atypique. La deuxième chose est que cela est déjà arrivé aux États-Unis en 2018. Trois États ont vu le 911 tomber en rade du fait d’un problème de serveurs. Enfin, c’est également arrivé l’année passée chez le même opérateur de route internet. C'est 5% du trafic mondial qui n’avait pas reçu d’appels et de connexions." Le fait que ce soit un opérateur unique qui gère les appels d’urgence en France est-il un souci ? "Bien sûr, Orange est l’opérateur historique et possède une part de marché importante, rappelle Manuel Jacquinet. Quand vous avez une seule boutique, elle peut être saturée. Est-ce que quelqu’un s’est penché au ministère de l’Intérieur sur le fait que le système d’urgence repose sur un seul opérateur ?"
[#SudRadio] @ManuelJacquinet, rédacteur en chef du magazine @encontactmag spécialiste des centres d’appels
🗣️"Un problème d'opérateur unique ? Bien sûr ! Est-ce que le ministère de l'Intérieur s'était penché sur le fait que tous nos systèmes d'#urgence sont chez Orange ?" pic.twitter.com/ntDO0b3R1o
— Sud Radio (@SudRadio) June 4, 2021
Quatre millions d'appels non décrochés par an
"Ils ont mis sept ou huit heures à réagir. Cela nous choque car ce sont des appels d’urgence, il y a une dimension de criticité, commente Manuel Jacquinet. Vous remarquerez que l’on a plus parlé des appels non arrivés au Samu qu’aux standards de la police ou aux pompiers. Quand un appel n’arrive pas au Samu, il y a une vie en danger. Un appel qui arrive trois minutes trop tard, qui n’est pas pris, c’est une perte de chance effective. 30 millions d’appels arrivent chaque année au Samu. Dans 20% des cas, c’est un appel critique. Et déjà, quand cela fonctionne bien, le Samu ne prend que 60% de ces appels. Quatre millions ne sont pas décrochés."
Cette panne tombe en pleine réforme des appels d’urgence ? "Cela va obliger à revoir la façon dont fonctionnent les urgences. On supporte moins les incidents, les failles de sécurité. Cela arrive à un moment où le Samu est vent debout contre la création du 112, où les bagarres de chapelles entre Samu, pompiers et services d’urgence sont assez peu documentées. Quand vous essayez de savoir ce qui se passe au Samu en termes de flux d’appels, c’est une boîte noire. Cela va poser la question de la façon dont on va gérer les urgences : faire du tri, de la régulation. Une directive européenne pose la question du premier tri que l’on fait."
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